jeudi, mai 31, 2007

Le jour et la nuit

Une interview à lire de toute urgence, celle d'Ahmet Kuyas, professeur d'histoire à l'université de Galatasaray, dont j'ai eu l'honneur de suivre les cours en 2002/2003.

Ca se passe ici

Ca doit être encore un traître occidentalisé à la tête des hordes anti-turque

De son côté, Yasar Buyukanit a déclaré qu'une fois en Irak, les troupes turques verront si elles ne tapent que sur le PKK, ou si elles s'occupent aussi de Barzani.

Tout un programme.

Ca se complique

Il faut que je m'y remette. Comment suivre ce Dallas du Moyen-Orient que constitue l'intervention turque au Kurdistan Irakien, souvent annoncée, jamais réalisée? Oui, on sait, la Turquie est à bout de patience, mais elle n'en a jamais eu. Oui, on sait, les troupes se massent à la frontière, mais d'un autre côté elles le font depuis mars 2003. CNN Türk avait même annoncé que les troupes turques marchaient sur Kirkuk au lendemain de l'invasion américaine le 21 mars 2003. Sympa l'ambiance au Newroz de Diyarbakir. Oui, on sait, la Turquie n'acceptera jamais tel franchissement de ligne jaune, tel dépassement de ligne rouge, mais au final est bien impuissante à obtenir autre chose qu'un profond pouvoir de nuisance dans les affaires internes du Kurdistan Irakien.

L'attentat d'Ankara a été attribué avec empressement par l'armée au PKK. Le profil du Kamikaze (un ultra-gauchiste paumé même pas kurde) et les dénégations du PKK et même du TAK (qui revendique ses attentats d'habitude avec force communiqués vengeurs et farouches) laissent croire à une énième manipulation des barbouzes en folie, très pratique pour justifier une intervention. Cette invasion potentielle et injustifiable : Envahir un Etat souverain pour exterminer quelques centaines de guerrileros en shalwar armés d'AK-47? Il faudra qu'on m'explique comment la glorieuse armée turque pourrait occuper le Kurdistan Irakien contre sa population, son armée et l'opinion internationale, alors qu'elle est bien incapable d'empêcher le PKK de faire dérailler ses trains, attaquer ses convois et miner ses routes dans le "Sud-Est Anatolien".

Les Américains, qui ont déja assez de mal à gérer leur zone, ne veut pas qu'on vienne pourrir le "miracle" de "L'Irak nord". La violation de l'espace aérien turc par deux F16 U.S était un message très clair, qui a du en faire eructer plus d'un chez les képis.

Et la ça se complique: le train attaqué par le PKK à Genç (province de Bingöl) a révélé son contenu: planqué dans du matériel de construction, des armées en provenance d'Iran et en direction de la Syrie. Selon diverses sources: des armes légères, des lances roquettes et 300 roquettes. Les Iraniens nient toute implication, mais les ficelles sont un peu grosses. Et on se prend à rêver: le PKK aurait il agi sur information américaine, pour éviter un approvisionnement en armes par l'Iran du Hezbollah libanais? Si les U.S.A utilisent mainenant le PKK dans leur stratégie anti "Axe du Mal" sur le territoire turc, on a pas fini de rigoler.

mercredi, mai 30, 2007

Nouvelles de Beyoglu

Le siège de mon ancienne ONG turque Helsinki Yurtaslar Dernegi (refugee support programme) a été évacué! Apparemment, on creuse un tunnel sous Beyoglu, et l'immeuble a tremblé... on vérifie actuellement si il n'y a pas une faille. L'immeuble est situé Asmali Mescit Sokak, plus connue sous le nom "la rue du Babylon"

Asmali Mescit Sokak

Décidemment, Beyoglu et Bruxelles, même combat: ça sera bien quand ça sera fini :)

vendredi, mai 11, 2007

Les hordes kurdes aux portes du parlement!

Ils y ont mis le temps, mais ils fini par remarquer. En 2002, l'AKP a remporté 40 sièges dans le "Sud-est anatolien", appellé Kurdistan dans le reste du monde, sièges qui auraient dû aller au parti DEHAP sans l'absurde seuil des 10%.

Un parti ne peut en effet pas être représenté au parlement turc si il n'atteint pas 10% des voix au niveau national, règle conçue pour éviter l'émiettement, et très pratique pour empêcher toute représentation pro-kurde au parlement.

Une seule solution: le recours aux "indépendants" pour contourner cette règle et obtenir des représentants au parlement. Seul problème, le refus systématique du PKK d'autoriser les formations kurdes successives à employer cette stratégie, préférant toujours au bon sens d'improbables "platform" avec d'obscurs partis de gauche groupusculaires.

Ahmet Türk, qui n'a jamais porté le PKK dans son coeur (lequel le lui rend bien), a annoncé que le DTP présenterait des candidats indépendants aux législatives anticipées de juillet. Öcalan ne semble cette fois pas s'y opposer, en tous cas pas de nouvelles d'Imrali. Et pour une fois, il semble que l'establishement va laisser faire: 40 sièges de moins pour l'AKP, c'est toujours ça de gagner. Comme les partis classiques comme le CHP, l'Anavatan et le DYP n'ont strictement aucune chance de gagner au Kurdistan (eh oui, les Kurdes sont rancuniers), autant laisser faire le DTP.

Aux sièges qui lui semblent garantis au Kursistan, le DTP pourrait ajouter quelques victoires à Istanbul ou Ankara, dans les districts composés à majorité de Kurdes. Il va même à Istanbul se ranger derrière la bannière de la veuve de Hrant Dink...

L'AKP manoeuvre déja pour tenter de contrer la menace, en réformant à la hâte le code éléctoral, mais il semble que les Kurdes pourraient enfin rentrer en masse au parlement.



dimanche, mai 06, 2007

Et pendant ce temps là, à Bruxelles

Abdullah Gül a renoncé à l'élection présidentielle après un nouveau et démocratique boycott du scrutin par les députés CHP, Anavatan, DSP, DYP, etc etc etc. Il n'y aura rien de neuf avant les législatives anticipées de Juillet.



En France, rien ne semble pouvoir empêcher le seigneur des ténèbres de prendre le pouvoir pour 5 ans, avant reconduction de son mandat à vie.



Et pendant ce temps là, à Bruxelles...





























Avant que Sarko ne ferme la frontière, il vous reste encore un peu de temps pour venir demander l'asile ici, on rigole bien et la bière est bonne et pas chère!

jeudi, mai 03, 2007

Rattraper le train en marche

J'avoue, je sors d'une flémingite aigüe. La vrai flemme, celle qui fait dire "boarf, à quoi bon". Un moi sans bloggage, en suivant l'actualité turque d'un oeil morne et las. Avouons le, j'ai mal choisi mon moment, l'actualité a été riche en délires en tous genre.


Ce qui m'a décidé à rebondir? Nicolas Sarkozy hier soir lors du débat présidentiel, et son "si vous expliquez aux habitants de Cappadoce qu'ils sont européens, ça va renforcer l'islamisme". Il est regrettable que Madame Royal n'ait pas réagi, mais tout à son honneur qu'elle ait affirmé vouloir tenir la parole de la France, tout en insistant sur le fait que la Turquie n'était pas prête.

Difficile de le nier: dans l'ambiance éléctrique qui prédomine, il est difficile d'y voir clair. La bourse d'Istanbul joue au yoyo, les investisseur s'inquiètent, les intellectuels turcs se déchirent, et Baskin Oran continue d'avoir raison.

Les militaires qui se fâchent aujourd'hui ont promulgué, après une sévère épuration du corps politique (à grands coups de gégène dans les roustons / ovaires de la vermine marxiste), une constitution approuvée en 1983 par le peuple avec une unanimité digne des élections de Saddam Hussein. Elle est toujours en vigueur, et organise donc la vie politique turque.

Les méchants super méchants AKP profitent d'un système électoral bancal, qui leur offre la majorité absolue à l'assemblée en ne rassemblant que 30% des voix lors d'élections à législatives à 1 tour écartant de l'assemblée tous les partis situés en dessous du seuil des 10%. D'un autre côté, ils n'y peuvent rien, ce n'est pas eux qui ont inventé ce système destiné à virer la gauche et les kurdes de l'assemblée.

Fort de leur poids, ils veulent propulser un des leurs à la présidence. Difficile de leur en vouloir. Mais, eyvah eyvah, les Kemalophiles ne sont pas DU TOUT contents. La Turquie est en danger, la république menacée, etc. etc.

Qui est aujourd'hui le président turc? Ahmet Necet Sezer, spécialiste du Veto à toute réforme démocratique depuis 2002. Un Kémaliste, un Laïc pur et dur, pour qui laïcité veut dire pas de femme voilée à Cankaya, et pas de lois pour rétablir les minorités chrétiennes dans leurs droits. D'un autre coté il y a bien la laïcité française qui mugit sur les racines chrétiennes à tout bout de champ, loin de moi l'idée de juger.

Mais bref, dans un Etat basé depuis 1980 sur une "synthèse turco islamique" douteuse, sur un Kemalisme érigé en dogme indépassable contre les ambitions même de leur gourou, difficile de pleurer quand les islamistes deviennent une force politique sans rivale. Au Pakistan, en Egypte, en Algérie, la répression des forces démocratiques par des régimes militaristes a abouti à la montée des partis islamistes, seule force de contestation possible. Dans un contexte sensiblement différent, la Turquie a connu un phénomène semblable, même si il est difficile de comparer l'AKP aux frères musulmans ou au F.I.S.

On a aujourd'hui une "gauche" qui appelle l'armée à intervenir par un nouveau coup d'Etat et se permet de sortir des énormités telles que "he, Turc ! Défends ton identité ! N’épouse pas un Kurde, ne commerce pas avec ces gens !". Tout un programme de paix et de fraternité.

Dans les centaines de milliers de manifestants à Istanbul et Ankara, il n'y avait pas que des méchants, loin s'en faut. Il y avait aussi de braves jeunes gens qui répètent l'oeil fixe et brillant des slogans d'avenir comme "Ne A.B ne A.B.D, Bagimsiz Türkiye" (ni U.E ni USA, Turquie indépendante). Quand on voit sur le site de Turk Solu "gauche turque" Mustafa Kemal, Deniz Geçmis (arrêté et exécuté par l'armée) et Nazim Hikmet sur la même banderole, on comprend pourquoi la gauche turque n'est pas promise à un avenir brillant.



Ce qui frappe le plus, c'est que jamais au grand jamais des centaines de milliers de personne n'ont manifesté contre la guerre au Kurdistan, la possibilité d'invasion de l'Irak, les villages vidés, les droits des Alevis, l'ingérence de l'armée, etc. Ces manifestations ont eu lieu avec la bénédiction de l'armée républicaine, la seule au monde à se considérer comme "garante de la démocratie", et à se proclamer invincible sans jamais avoir battu d'autre ennemi que les chypriotes grecs.

L'Enorme problème turc, à mon sens, c'est qu'une dictature laïque semble moins mobiliser contre elle qu'une démocratique musulmane. L'AKP a beau être détesté par les "vrais" islamistes, il reste caricaturalement considéré comme une menace pour la laïcité turque. Pourtant pas de charia depuis 2002, on attend toujours. Les preuves les plus concrètes de l'utra célèbre "agenda secret" sont des projets pour limiter les ventes d'alcool (déja surtaxté par la république laïque mais bon) et des tentatives pour favoriser les imam hatip.

En effet, c'est très mal, mais d'un autre coté les écoles laïques donnent des cours de religion musulmane sunnite depuis le coup d'Etat, sans faire mention des alevis, yezidis, chrétiens orthodoxes, arméniens, assyriens, tous présents sur le territoire turc et de ce fait citoyens turcs. Je n'ai jamais vu personne, ni prof borné, ni atatürkçü, ni lycéenne en basket, manifester contre ça.


(image OVIPOT)
Les revendications pour les minorités et contre le dogme de 1980 (n'accusons pas le pauvre Kemal, il n'est pas responsable de ce Kemalisme prison caricaturé aujourd'hui) sont resté le fait de partis ultraminoritaires type ÖDP, mettant sur le même plan droit des kurdes et des transexuels, joyeux rêveur ne laissant rien présager de bon pour l'avenir de la social démocratie turque. La courageuse tentative pour manifester le 1er mai à Taksim pour la première fois depuis le massacre de 1977 (34 morts) aura causé 700 arrestations.

Des elections anticipées auront lieu le 22 juillet, suite à la décision contestée de la cour constitutionnelle (nommée aux 2/3 par l'actuel président Sezer) d'annuler le premier tour de l'élection présidentielle. Entre temps, l'AKP va proposer l'élection du président au suffrage universel, pour la première fois de l'histoire.


(Image OVIPOT)


C'est ici que ca va commencer à être drôle: QUI face à Abdullah Gül? QUI est le garant de la laïcité, de la démocratie, du progrès? Deniz Baykal???? Sezer encore??? Kenan Evren va-t-il reprendre du service?

On parle d'une alliance CHP-DSP-SHP... qui siginiferait, puisqu'ils se sont systématiquement opposé à elles, une annulation de toutes les réformes démocratiques engagées depuis 2002 par le gouvernement des méchants islamistes de l'AKP.

Ca promet. En tous cas je promets de suivre ça, fini les vacances bloggeuses!