lundi, octobre 30, 2006

Sarkozy et la Turquie

Exercice difficile : tenter de déterminer la position de Nicolas Sarkozy vis à vis de l’adhésion de la Turquie à l’Europe. Au delà de "Si la Turquie était en Europe ca se saurait" et "à l’école, j’ai appris que la Turquie est un pays qui fait partie du continent asiatique", ou "comment mettre la géopolitique au niveau de mon Labrador ?", quelle est la position du potentiel "Fransiz Halkin Önderi" ? (chef du peuple français, en paraphrasant un peu Öcalan, lui-même chef du Parti des Travailleurs du Kurdistan)

M. Sarkozy parle à son électorat, de préférence avec des mots pas trop compliqués. "Si la Turquie adhère, pourquoi pas le Maroc", reste dans la ligne traditionnelle de la droite. On remarque que Roselyne Bachelot était allée beaucoup plus loin avec un "pourquoi pas l’Afghanistan ?" qui en disait long sur sa perception de ce qui se situe à l’ouest de la Loire. Amalgamer la Turquie au reste du monde musulman, c’est caresser l’électeur dans le sens du poil, celui qui avait dans les années 1980 peur de l’adhésion des “métèques” Espagnols ou Portugais, plus récemment des hordes de plombiers venus d’outre-rideau-de-fer.

La peur est l’une des armes préférées de Sarkozy. Ce qui marche (pour lui) dans les banlieues marchera bien avec la Turquie : "on aura fait du problème kurde un problème européen. Formidable ! Il restera à faire du Hamas et du Hezbollah des problèmes européens, parce que si (l’on) considère que la Turquie est européenne, il faut tout de suite penser au Liban, sans oublier Israël, parce qu’Israël est plus européen que la Turquie". Capable de faire apparaître en France des attaques de bus au cocktail molotov dignes du TAK (groupe terroriste des Faucons de la Liberté du Kurdistan ayant revendiqué plusieurs attentats depuis plus d’un an en Turquie) à Istanbul le printemps dernier, M. Sarkozy s’inquiète de la question kurde.

Notons également le "toujours plus", le "si la Turquie adhère bientôt ce sera le Turkménistan, après tout ils sont Turcs" qui ne mange pas de pain et fait gagner des voix. Comme le disait Goebbels, "plus c’est gros plus ça marche", l’essentiel est de le répéter souvent : "si la Turquie rentre, le Liban Israël, l’Algérie, le Maroc" suivront. On vous ment, protégeons l’Europe chrétienne.

Pas encore utilisé par M. Sarkozy, l’argument de la solidarité turcophone. C’est Philippe de Villiers qui avait cru bon d’informer le bon peuple que la Turquie, dès son adhésion, ouvrirait les vannes aux hordes turcophones d’Asie centrale, parachevant ainsi le travail de Tamerlan. Remarquablement informé sur le droit de l’immigration turc, il affirmait sans rougir que tous les citoyens des républiques turcophones peuvent rentrer en Turquie sans Visa, et seront donc de fait intégrés à Schengen. Car "100 millions de Turcs en 2020", à tout prendre, ça n’effraie pas assez. Allons y pour 150, et en plus ceux-là sont vraiment bridés.

La question de la frontière est également parfaite pour effrayer les bonnes gens. "UNE FRONTIERE AVEC l’IRAK !", bouh ! L’Europe s’est construite avec le rideau de fer en frontière orientale et avec les missiles russes à portée sans jamais que ça ne pose un problème, l’Europe a une frontière avec le Surinam, le Brésil, la Biélorussie, la Chine du temps que Hong Kong était Britannique et Macao Portugais, l’Europe a laissé le conflit ougoslave se dérouler à sa porte sans être fichue d’intervenir et sans en être déstabilisée autrement que moralement. Et surtout ne pas dire que de l’autre côté de la frontière turque, c’est plus calme et plus sûr qu’aux Tarterets, cela serait un mauvais coup de pub.

La question du "partenariat privilégié" brandi à tout bout de champ est une autre manière de tabler sur l’ignorance des bonnes gens. En tant qu’Etat officiellement candidat, la Turquie est DEJA un partenaire privilégié, bénéficie d’aides européennes, subit une Union Douanière depuis 1994 (et Balladur, donc on peut supposer que M. Sarkozy est au courant), et intègre l’acquis européen à grandes lampées malgré les diverses oppositions nationales. En fait c’est une façon de s’en tirer à moindre frais en disant "mais attendez je n’ai rien contre ce grand pays" ! Cela sonne un peu comme le "que proposer à notre amie la Turquie" du site Non à la Turquie...

OPA sur la religion

Un autre aspect fascinant, et très diffusé à droite (VGE, Bayrou , De Villiers), c’est l’introduction dans notre beau pays laïque de la religion dans le débat politique. La laïcité française a de grandes similitudes avec le modèle turc : neutralité envers les religions, mais bâtons dans les roues des religions autre que la religion "d’État". Pas d’églises en Turquie, pas de mosquées en France. Parce que bon quand même, ce sont nos "racines". Amusant, la langue bretonne c’était "le piquet auquel est attaché la chèvre", l’empêchant d’aller voir plus loin que son champ, mais l’Identité Chrétienne, c’est la base, le socle commun, ce qui fait qu’un Roumain, en toute logique, est plus proche d’un Finlandais que d’un Turc, un Serbe d’un Portugais que d’un Bosniaque.

On se demande pourquoi les analogies ne valent que dans certains cas. Il y a des racines inacceptables (repli identitaire communautaristo-fascsite) et des racines inattaquables (défense de l’identité chrétienne contre la "dilution").Comment se positionner quand on est athée et Breton ? Vous devez accepter d’être Chrétien même si vous ne l’êtes pas, oubliez d’être Breton même si vous l’êtes. On se charge de défendre votre identité, même si vous ne pensez pas qu’elle soit la vôtre. Quant à la vôtre, elle est indéfendable. Je m’y perds. Et je m’égare. Reprenons.

La laïcité c’est un très joli mot, ça peut servir à interdire plein de choses gênantes, mais quand un Etat "musulman à 98%" (pauvres Alévis) pointe son nez, on se souvient soudain que nous sommes "qu’on le veuille ou non" (non !) un pays chrétien, et l’Europe une civilisation chrétienne. Je n’ai jamais compris que personne ne relève cette contradiction apparente entre "protégeons nos racines chrétiennes" et le centenaire de la séparation de l’église et de l’état. Il est vrai que je viens d’un "pays de Chouans", alors je suis mal placé pour parler. Ou peut être faut il accepter de bientôt voir, grâce aux caméras de M. Villepin, nos ministres plongés dans une prière collective avant l’ouverture de la séance ? Gageons qu’Azouz Begag se fera tout petit sur son tapis, pour ne pas heurter la laïcité de ses collègues.

Je n’attends qu’une chose : l’invocation de la menace chiite à nos portes en parlant des Alévis. Après tout, ils sont inlassablement présentés comme "Chiites hétérodoxes" dans des ouvrages très sérieux. De la à faire des Cemevis (lieux de culte alévis) des cellules dormantes du Hezbollah et des bases avancées de l’Iran, il n’y a qu’un pas, qui sera, j’en suis sûr, franchi très prochainement.

Yeni Ufuklar...

Difficile d'être assidu sur ce blog, mais promis ca va bientot se normaliser. Nouveau boulot, et nouvel engagement: je vais maintenant collaborer avec l'association Turquie européenne, notamment en écrivant pour leur site internet... tout en continuant à écrire ici, dans un style plus "relâché"... En liens, sous les archives du blog, le fil info de Turquie Européenne qui propose des liens vers les derniers articles, actualisé automatiquement...

Rendez vous chez eux !


jeudi, octobre 26, 2006

Le MP3 de la semaine

En raison de problèmes techniques indépendants de ma volonté, autant avouer qu'il est dur de trouver tous les jours un MP3 à publier! Patience, je récupère bientôt toute ma "mp3thèque"...

Aujourd'hui, un grand classique turc, qui malgré un fond résolument gauchiste est à peu près consensuel en Turquie (en tous cas je l'ai vu chanté à la TRT, donc bon). Yigdim Aslanim (mon brave lion) a été écrite et grandement popularisée par Zülfü Livaneli après la mort du révolutionnaire Deniz Gezmis, à la carrière aussi intense que brève, puisque après avoir fondé "l'armée populaire de libération de la Turquie" (THKO: Türkiye Halk Kurulus Örgütü) en 1970, il est arrêté en 1971, torturé, et exécuté le 6 mai 1972.

Il est considéré comme une icône par la gauche en Turquie, et le CHP, dont fait partie le chanteur Zülfü Livaneli, qu chante sur le morceau que je vous présente ici (vous voyez, c'est cohérent hein?), a présenté le 6 mai 2006 une loi pour la réhabilitation de Deniz Gezmis et de deux de ses camarades exécutés avec lui.


Le prénom "Deniz" (mer) a acquis une connotation "de gauche" bien marquée. Le TKP (parti communiste turc) avait pour coutume de choisir un deuxième prénom pour les enfants de ses militants, et les Deniz, masculins ou féminims, figuraient en très bonne place au palmarès. Vaut mieux ça que de s'appeller Alparslan. J'ai longtemps cru qu'une autre chanson de Zülfü Livaneli "Hosçakal Kardesim Deniz" (au revoir mon frère Deniz) était un autre hommage. Mea Culpa, c'est en fait un poème de Nazim Hikmet, "au revoir, mer, ma soeur". N'empêche, il doit y avoir un double sens.

Yigidim Aslanim donc, dont le refrain est "Yigdim Aslanim, burda yatiyor" (mon brave lion repose ici).


Négocier avec les terroristes

Le chef de l'Etat Major de l'armée turque, Yasar Büyükyanit, a récemment rappelé la position de l'armée turque quant à la manière de régler le conflit avec le PKK: on ne négocie pas, et on les zigouillera jusqu'au dernier. Une stratégie qui a fait ses preuves depuis 1984, avec le refus répété de tenir compte des "cessez le feu" unilateraux proclamés par Öcalan. Il est faux de dire que le PKK les proclame systématiquement en position de faiblesse. Du fait de l'expérience militaire incontestable de ses combattants, de leur "talent" indéniable pour la guérilla, de leur extrême connaissance du terrain et de leur capacité à jouer avec les frontières, les combattants du PKK seront toujours en mesure de porter des coups à l'armée turque. Rien de décisif, il est impensable qu'ils parviennent jamais à tenir durablement un hectare de terre du Kurdistan nord. Mais tuer des conscrits, faire exploser des véhicules militaires, "produire" du "martyr" quotidiennement, justifier le pouvoir des militaires en Turquie, ça ils le peuvent.

"On ne négocie pas avec les terroristes", un adage régulièrement infirmé par l'histoire. En effet on ne négocie pas avec un Ben Laden, qui n'a pas de revendication réelle, avec un Zarkaoui qui ne visait que le chaos. Mais la France a négocié avec le FLN, malgré les cris d'orfraie des militaires, la Grande Bretagne a négocié avec l'IRA en 1923, les Russes négociaient avec les tchétchènes avant que Poutine ne s'en mêle. Ces pays étaient toujours en position d'écraser la rebellion. Evidemment, naturellement, un Etat structuré a toujours les moyens d'anhiler militairement un mouvement séparatiste. La France aurait pu, après le succès militaire de l'opération Challe, continuer à tenir l'Algérie en y maintenant quelques centaines de milliers de conscrits.

Ankara était toute fière récemment de citer l'exemple espagnol, en disant que Madrid ne négociait pas avec l'ETA. C'était vrai du temps du semi-franquiste Aznar, celui qui tenait absolumnent à attribuer aux basque les attentats de Madrid de mars 2003. Seulement voila, Zapatero négocie avec l'ETA, laquelle a proclamé un "cesse le feu permanent" en mars. La droite proteste, mais Zapatero est appuyé par l'ONU, et par un vote du parlement européen hier. L'Espagne, serait donc peut être en mesure de mettre fin à 40 ans de guerilla urbaine, assassinats politiques, racket, mais aussi répression féroce sous Franco et dans les années 80, grâce aux sinistres "GAL" qui poursuivaient jusqu'en France avec la complicité de Mitterand les indépendantistes basques, violents ou non. Beaucoup d'entre eux étaient cachés en Bretagne... Malgré les ultras irlandais et les fanatiques "loyalistes", le conflit nord-irlandais est en voie de résolution. Dans ces deux cas, les organisations indépendantistes ont pris les devants en affirmant renoncer à la violence.

Bien sur le PKK est un interlocuteur peu fiable, et les Turcs ont beau jeu de citer jusqu'à la nausée l'exemple de 1993, quand un commandant du PKK opposé au cessez le feu avait procédé au massacre d'une trentaine de conscrits désarmés. 13 ans plus tard, cet assassinant justifie encore pour Ankara le refus absolu de négocier. En 1993, la mort mystérieuse de Turgut Özal, partisan d'une solution négociée, avait mis fin aux espoirs de paix, pour le plus grand bonheur des militaires.

Il reste que depuis la proclamation du cessez le feu, les combats ont sensiblement diminué: les accrochages sont de l'initiative de l'armée. Le PKK, comme annoncé, ne fait que se défendre. Mais il se défendrait encore mieux en retirant toutes ses troupes du Kurdistan Nord, comme il l'avait fait, à l'appel d'Öcalan qui craignait la corde, en 1999.

La Turquie n'est pas le dos au mur. Personne ne lui demande de donner l'indépendance au Kurde, malgré les gémissement des nationalistes qui accusent l'Europe de vouloir "enlever un morceau de Turquie". Droits culturels, investissements, intégration sans assimilation, c'est ce que la France n'avait pas voulu faire en Algérie, et avait commencé à faire quand il était déja trop tard.

mercredi, octobre 25, 2006

Les affinités électives

Une fois n'est pas coutume, faisons un petit tour en Europe de l'Est. Avoir vécu quelque mois en Hongrie ne me donne aucune expertise sur la question, mais j'aimerais quand même dire un mot de ce qui s'y passe depuis près d'un mois, notamment pour réagir à cet article du Figaro d'hier. D'après le journaliste Stéphane Kovacs, à priori d'origine hongroise, la police à violemment réprimée une manifestation pacifique de retraités, de femmes et d'enfants protestant contre un méchant gouvernement de gauche menteur. Il met entre guillement les déclarations de la police affirmant que de nombreux manifestants possédaient "des objets dangereux". Pourtant d'après la presse hongroise, de nombreuses personnes arrêtées possédaient des couteaux ou des barres de fer.


Là où on croit rèver, c'est quand le mot "extrême droite" n'est pas une seule fois prononcé. Rendons grâce à Libé et le Monde qui ont systématiquement dénoncé ces manifestants comme fascistes et ont donné la parole à des intellectuels hongrois écoeurés par la tendance toujours plus dure du FIDESZ. Or c'est bien de celà qui s'agit: une tentative de groupuscules fascisants et de hooligans de prendre Budapest en otage et de faire tomber un gouvernement démocratiquement élu par la force. Le parti FIDESZ deViktor Orban a fait sa campagne en Avril 2006 sur des thématiques populistes et nationalistes. Des amis juifs du Budapest s'inquiétaient de relents d'antisémitisme. Hier, un groupe de "motards nationalistes" défilaient: sur leur dos, l'inscription "Motard Goy" (non juif). Charmant. La magnifique Synaguogue de la rue Dohany a été caillassée par des Skinheads. Ces manifestants injustement réprimés par la police brandissent des drapeaux à rayure rouge et blanches, ceux du régime nazi hongrois, interdits par la loi. Ils sont partisans de la "grande hongrie" avec des vues sur la Roumanie, la Slovaquie, la Serbie et la Croatie.

Ces manifestants, qui se sont déja signalés en occupant la place du parlement et en envahissant la télévision publique (les personnes arrêtées sont déja considérées comme "prisonniers politiques"), sont tout sauf "pacifiques" et "démocratiques", et constituent un danger pour la démocratie hongroise. La minable "solidarité" de droite montrée par le président du Parti Populaire Européen Wilfried Mertens, qui a encouragé les manifestants, et par le président de la commission européenne Barroso, qui a reçu le sinistre Viktor Orban, est tout simplement affligeante. Comme si toute protestation de droit était bonne à prendre. J'espère simplement qu'il s'agit d'un manque d'information. Rappelons tout de même que le PS français a soutenu Laurent Gbagbo, nominalement socialiste, pendant des années, la connerie et la mauvaise foi n'ont pas de camp.

La tentative de coup de force des fascistes et populistes hongrois est une mauvaise caricature des "révolutions" qui ont secoué la Serbie, la Georgie et l'Ukraine. Les Skinheads qui ont envahi la télévision publique arguent de leur "droits démocratiques" à le faire, la droite hurle quand des femmes et des retraités sont touchés par les gazs lacrymogènes, sans relever le fait que manifester avec des Skins comporte quelques risques assez prévisibles. La position d'Orban serait presque touchante du puérilité: il demande la démission d'un gouvernement élu il y a 6 mois, sans préciser ce qu'il souhaite: le pouvoir, même sans majorité à la chambre. Il n'accepte toujours pas d'avoir été battu en 2002 et en 2006, comme si la démocratie ne fonctionnait que quand elle lui donne raison.

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En Bulgarie un parti fasciste, Akala, fait campagne sur l'interdiction du parti de la minorité turque, l'interdiction des langues minoritaires. En Pologne des jumeaux antisémites et homophobes dirigent le pays, en Slovaquie l'extrême droite rentre au gouvernement, en Russie...pas la peine d'en parler. En France, rien ne pousse à l'optimisme, vu le profil de plus en plus inquiétant de notre Hongrois à nous.


samedi, octobre 21, 2006

"Il a pris six mois fermes en interro d'histoire"

Excellent papier dans "rebonds" de libération...rien à redire!

"Puisqu'il s'agirait de pédagogie, imaginons ce que donneraient ces lois appliquées dès l'école. Interrogé en classe, un élève devrait prendre la précaution de répondre : «Je ne parlerai qu'en présence de mon avocat.» Et si jamais il répond quand même, sa phrase introductive devrait être: «Je jure de dire l'Histoire, toute l'Histoire, rien que l'Histoire.» C'est une manière radicale de restaurer l'autorité et la discipline à l'école. La distribution des prix aura lieu au tribunal. On imagine des parents aller chercher leur enfant à la sortie de l'école et s'inquiéter de ne pas l'y trouver jusqu'à ce qu'un professeur les informe : «Il a pris six mois ferme en interro d'histoire.» «Maman, je suis tombé sur la Turquie, dira le pauvre enfant. J'avais fait l'impasse, mais, sur le Rwanda, je savais tout.» Quand on copiera sur un voisin qui s'est trompé, on risquera d'être inculpé de complicité. Sans compter les malentendus, comme l'enfant qui dira «J'avais pas révisé, je croyais que c'était interdit», parce que le sens du mot «révisionnisme» lui aura échappé. Comme nul n'est censé ignorer la loi, nul ne sera censé ignorer l'Histoire. Espérons que cette rigueur ne s'appliquera pas aux autres matières, l'orthographe, les mathématiques, la chimie. Sinon, les jours d'interrogation écrite de physique quantique, la liberté ne sera plus qu'un souvenir pour la majorité d'entre nous. Le seul avantage, ce sera pour la réinsertion : un mois avec sursis et soixante-dix heures de cours d'histoire."

Mathieu Lindon

vendredi, octobre 20, 2006

Erasmus au Kurdistan

Non bon, je plaisante, ca n'existe pas encore. Mais selon un article de Firat News, les universités du Kurdistan sud ont reçu 1230 candidatures d'étudiants étrangers, dont 524 de Turquie, 415 de Syrie, et 219 d'Iran. Le compte est presque bon: les candidats viennent probablement tous des régions kurdes de ces pays. 300 d'entre eux seront, après examen, admis à s'inscrire.



La principale université du Kurdistan, celle de Salahaddin, accueille déja 18 000 étudiants dans des locaux flambants neufs. Les deux autres grandes villes du Kurdistan, Duhok et Suleymanye ont également leur université.



Campus à l'américaine, mixité totale, et site web aguicheur illustré par des photos de jeunes filles kurdes "à l'occidentale". L'admission d'étudiants kurdes de l'étranger est une excellent nouvelle pour les rapports transfrontaliers entre Kurdes. On peut de plus supposer que les étudiants qui auront fait le choix de poursuivre leur cursus au Kurdistan sud y resteront...

mardi, octobre 17, 2006

le MP3 du jour

Petit changement de décor, on passe du rock kurde de l'immigration au classicisme le plus pur...



"Di xwe de" (en rêve), chanté par le kurde syrien Mihmed Shexo (1948-1989) est une histoire d'amour , chantée dans le style élégiaque du Stranbej...comme dans le "uzun hava" anatolien (turc, kurde, alevi), les cordes se contentent de souligner la voix (exceptionnelle) du barde... on s'éloigne ici beaucoup du style kurde de Turquie, avec une voix profonde, des notes soutenues jusqu'à la rupture, et des nuances et variations tout à fait différentes...assez déroutant.

Au risque de me fâcher avec la personne qui m'a transmis ce morceau, je dois avouer préférer le style anatolien...le débat est ouvert!


lundi, octobre 16, 2006

Kemal Kerinçsiz est un GENIE


Je retire tout ce que j'ai dit sur le président de l'union des avocats nationalistes: ce type est GIGANTESQUE. Il rentrera dans l'histoire aux cotés du ministre de l'information de Saddam Hussein, Mohammed Saeed al Sahaf, celui qui annonçant la défaite pitoyable des armées américaines alors qu'elles entraient dans Bagdad. Tant d'abnégation, de coeur à l'ouvrage, de mépris du ridicule international méritent en effet tout notre respect.


Kemal Kerinçsiz est un grand homme, qui se bat pour ses idées, jusqu'au bout. Il vient d'annoner qu'il allait attaquer L'ACADEMIE ROYALE SUEDOISE pour avoir osé descerner le prix nobel de littérature à Orhan Pamuk. Il avoue cependant devoir étudier le système légal suédois.

Il ajoute par ailleurs que les travaux de Pamuk "ne valent rien", et sont dignes d'un auteur de troisième classe. Il n'a d'ailleurs pu finir que "Neige", et n'a pas réussi à lire plus de 50 pages des autres. On le croit sans peine! Comment imaginer ce nabot moustache fielleux et mégalomaniaque se délécter devant les savantes digressions de Pamuk sur les miniatures de l'école de Tabriz dans "Mon nom et rouge"... Le pauvre homme avait l'impression de "perdre son temps!", et quand on voit la noble tâche qu'il a devant lui, on le comprend sans peine...

D'autres partis ultranationalistes, syndicats de profs ronchons et journaux illuminés crachent leur venin sur le pauvre Pamuk. C'est probablement la première fois qu'un prix nobel provoque la "honte" d'une partie (ridicule) de son propre pays...




Liberté Egalité Stupidité


C'est la une "hürriyet" ce matin. Ce quotidien est plutot nationaliste et est parfois mal placé pour donner des leçons de stupidité, mais avouons que le titre est bien trouvé... la bonne nouvelle c'est que les journaux turcs (certains) se font honneur de répéter que les historiens, journalistes et de nombreux politiques français condamnent cette loi, qui ne représente au final que 106 députés sur 600, issus de circonscriptions comptant d'importantes communautés arméniennes... on ne peut qu'applaudir les efforts de rapprochement des diplomaties françaises et turques...

samedi, octobre 14, 2006

Le prix de Pamuk diversement apprécié

Le prix nobel de littérature remis à Orhan Pamuk est une bénédiction pour les démocrates turcs, et un beau pied de nez aux politicards français, à ceux qui ont voté comme à ceux qui se sont abstenus pour éviter les ennuis.

Mais il pose un problème de taille aux nationalistes turcs: comment concilier paranoïa au dernier degré ("tout le monde hait la Turquie") et reconnaissance internationale de la littérature turque?

Facile! Si on a accordé le prix nobel à Pamuk, et s'il a tant de succès à l'étranger, c'est UNIQUEMENT parce qu'il dit du mal de la Turquie.

D'ailleurs, ce vieux Kemal Kerinçsiz (président de l'union des avocats nationalistes) l'a bien compris: "le prix donné à Pamuk n'est donné ni à un Turc, ni à la nation Turque". Il a même ajouté (et j'en glousse) "le peuple turc ne pardonnera à Pamuk que si il REND LE PRIX et s'il fait des excuses publiques". Pamuk est "parfaitement au courant qu'on ne lui a remis ce prix que parce qu'il a dit que 1000000 d'arméniens et 30000 kurdes avaient été tués dans ce pays"...

Eh oui, si on est démocrate et apprécié à l'étranger, c'est parce que tout le monde en veut à la Turquie... de même, la reconnaissance internationale de Nazim Hikmet, déchu de sa nationalité turque et mort en exil, ou de Yilmaz Güney, mort en exil, n'est qu'une des stratégies perverses de l'anti-turquie internationale...

D'autres, comme Bulent Arinç (doyen du parlement) le félicitent, tout en lui demandant de se positionner vis à vis de la loi française sur le génocide...

Piège évité, Pamuk, comme TOUS les démocrates turcs, est CONTRE cette loi...Franchement la liste de ceux qui condamnent cette loi va finir par être plus longue que celle des produits français à boycotter en Turquie...



Le MP3 du jour

Il y a un peu plus d'un an, j'assistais à un grand concert du groupe Kurde çar newa, en plein coeur d'Istanbul. Bonne ambiance, grosse présence sur scène.

Je me suis évidemment empressé d'acheter un album, chez un petit disquaire kurde déniché lors d'une ballade dans le quartier de fatih. Facile à trouver, c'est sous l'aqueduc, pas loin de la grande Fatih Caddesi... très discret, il était signalé par deux grandes affiches "DEHAP" collées juste en face. A l'intérieur, tous les artistes kurdes, CD et cassettes, souvent éditées en Allemagne, et qui circulaient il n'y a pas si longtemps sous le manteau.

Bref, l'album "MAK" de çar newa m'a un peu déçu. Tout bêtement l'ambiance live n'y est pas, et les musiciens non plus... du synthé, de la guitare éléctrique, rien de transcendant quand on ne comprend pas les paroles...

Dans la déception ambiante, signalons tout de même le morceau "Bitlis", qui sauve bien le reste!


vendredi, octobre 13, 2006

DSK seul contre tous?

Au sein des déclarations affligeantes d'une bonne partie de la classe politique française, saluons tout de même la prise de position de Dominique Strauss Kahn qui s'élève contre cette loi absurde...faut il s'étonner que le seul candidat PS avec une carrure d'homme d'Etat soit le seul à prendre la mesure des effets nefastes que cette loi inutile (elle ne passera jamais au Sénat) peut avoir ?

Citons tout de même Ségolène Royal, pour une note d'espoir.

"Les Turcs sont quand mêmes très proches des Grecs, pourquoi on prendrait les Grecs et pas les Turcs?"

Oui en plus en France, un kebab c'est un sandwich grec. Elle est pas si bête en fait!

jeudi, octobre 12, 2006

Et voilà...

L'unanimité de la presse française pour condamner cette initiative, les appels des intellectuels turcs et des Arméniens de Turquie n'auront servi à rien. Par définition, le Français moyen sait tout mieux que tout le monde même quand il ne sait pas de quoi il parle. Par extension, un quinquagénaire bedonnant et bouffi de certitudes, dépositaire de la "volonté nationale" encore plus. On atteint le fond du fond dans ce pays, le summum de la connerie, de l'arrogance, de l'ignorance. Capables de pourrir l'Union Européenne parce que Raffarin est un con, les français viennent de montrer qu'ils pouvaient provoquer une crise diplomatique majeure avec un pays comme la Turquie, au mépris des appels des démocrates, pour grapiller les 500 000 voix de la diaspora arménienne. Laquelle n'était représentée que par 300 excités autour du Palais Bourbon...

106 voix contre 19, les 19 étant probablement de méchants fascistes génocidairo-négationnistes. Rappelons que cette même législature, férue d'histoire, aura également voté la loi sur le "rôle positif" de la colonisation. Les gesticulations hypocrites d'Alger pour faire reconnaître un "génocide algérien" commencent à avoir toute ma sympathie.


C'est pas tout ça, faut que j'aille demander la nationalité belge....

Toute l'Union Européenne condamne la France! Ca devient une habitude... A ce rythme là on risque de se faire virer... Par prévention, et parce que j'aime beaucoup la partie "union européenne" de mon passeport, je propose au parlement européen une solution de compromis, en rappellant que la Bretagne (5 départements) a voté OUI à la consititution à 51%...


mercredi, octobre 11, 2006

Segolène a eu une idée

Elle a dit quelque chose! Elle a pris position!!!

Ségolène, parlant vraisemblablement au nom de l'Union Européenne, comme tout politique français qui se respecte, annonce que si la Turquie veut rejoindre l'UE, elle devra d'abord reconnaître le génocide Arménien. Vlam. Et tant pis si cette condition n'a jamais été au programme des négociations.

Ce qui est bien, c'est que "non à la Turquie" ne pourra pas réellement être un argument de campagne. Sarkozy comme Royal sont contres, pour toutes les mauvais raisons. Le problème c'est que ces petits boutiquiers, le nez sur les sondage, n'ont aucun scrupule à donner des munitions aux anti-démocrates turcs pour grapiller quelques points d'opinion favorable...à la auteur de la "mission universelle de la France", ou ce qu'il en reste...

Projet de loi, suite.

Alors que les députés français semblent peu convaincus de la pertinence de la proposition de loi sur le génocide arménien, l'unanimité des démocrates et des arméniens turcs fait plaisir à voir.

Après Hrant Dink, qui annonçait compter venir se faire arrêter en France si la loi passait pour "que ces deux mentalités irrationnelles se rejoignent pour me mettre en prison", un journaliste arménien du quotidien Zaman, Etyen Mahçupyan, condamne également cette initiative "maladroite": "Les actions dans le style de celle menée au Parlement français sont maladroites. Elles rapprochent la population turque de l'Etat, qui peut d'autant plus facilement la manipuler"

M. Mahçupyan a invité les nations étrangères à soutenir d'abord le processus de démocratisation de la société turque, seul à même, selon lui, d'ébranler les certitudes historiques professées par Ankara. (AFP)

Si seulement ces appels étaient aussi relayés en France que les manifestations négationnistes...

Hrant Dink rapproche également les conservateurs turcs et les grands démocrates français, uniquement dictés par des considérations humanistes dans lesquelles n'entrent pas les 500 000 voix arméniennes. Cette initiative révèle pour lui "à quel point ceux qui nuisent à la liberté d'expression en Turquie et ceux qui cherchent à lui nuire en France ont la même mentalité".

Le rédacteur en chef d'un petit journal arménien appelle lui la diaspora a sortir de son rôle de victime et à arrêter de regarder vers le passé, glissant une petite pique sur le nécessaire développement de l'Arménie, peut être un peu plus important...


mardi, octobre 10, 2006

Le èmepéutche du jour

Je me rends compte de l'extrême optimisme qui était le mien quand j'ai décidé de créer cette rubrique avec un disque dur externe contenant l'essentiel de ma collection MP3 laissé à la maison à 1000 km de l' endroit où je me trouve. Evidemment on risque de tourner en rond.

Voici quand même une version intéressante du "tube" kurde "Ahmedo", popularisé par Aynur Dogan, ici avec Orient Expressions sur l'album Divan... Les puristes (kurdophones) sourcillent car la plupart des paroles passent à la trappe, mais moi j'aime bien...



Pénaliser la bêtise

Le projet de loi socialiste pénalisant la "négation" du génocide arménien est une aberration qui risque de compromettre les rapports franco-turcs et de donner de l'eau au moulin des anti-turquie, triomphant devant d'inévitables manifestations négationnistes de turcs de France ou de Turquie.

Erdogan n'a pas tort en disant que ce problème ne regarde que la Turquie et l'Arménie: l'attitude de la France est ridicule est emprunte de mauvaise foi... que ce projet soit porté par Devedjian, qui étant d'origine arménienne se sent obligé d'être anti-turc jusqu'au racisme en dit beaucoup sur sa crédibilité. Pour lire tous les jours la presse française, je n'ai pas l'impression que le négationnisme tienne le haut du pavé, et qu'il soit nécessaire de recourir à de telles mesures de santé publique pour faire taire les rares histoiriens qui pourraient, sans contester les chiffres et la dimension du massacre, refuser d'y accoler le terme "génocide" pour préférer parler "d'épuration ethnique". Personnellement, et je ne suis pas historien, c'est ma position, oups ca y est je l'ai dit, on va m'obliger à fermer mon blog.

Cette mesure n'a pour but que de satisfaire le fameux "lobby" arménien, dominé par un parti arménien d'extrême droite le Dashnak, minoritaire en Arménie, et de pourrir au maximum les rapports entre la France et la Turquie, déja tendus par les accès de turcophobie française. "Non à la Turquie" était le seul thème de campagne de la droite souverainiste lors du réferendum sur la constitution, il sera, à en croire Semih Vaner, partie intégrante du programme de Sarkozy.

Je ne conteste pas ici le fond, et je n'ai aucune sympathie pour les négationnistes. Mais est on négationniste quand on dit "en effet il y a eu volonté de chasser ou de tuer les arméniens de l'empire ottoman (pas "de turquie"), on ne conteste pas les chiffres, mais ce n'est pas un "génocide""??? Dans ce cas je me découvre négationniste... Mais quelle classe de la part de la France, quand on voit l'état dans lequel elle est, d'envoyer des déclarations de guerre diplomatique à un pays comme la Turquie! Quel coup de couteau dans le dos des démocrates turcs, qui ont déja fort à faire sur le front intérieur! Le fait que tous ces démocrates soit francophones et francophiles n'effleure même pas François Hollande et Patrick Devedjian...

Le fait que le plus grand intellectuel arménien de Turquie, rédacteur en chef du journal arménien AGOS, Hrant Dink, parle de "Stupidité" ne les fera pas changer d'avis. Les réactions de Hrant Dink, Elif Safak, Murat Belge, Baskin Oran, sont en ligne et traduites ici.

Ces noms ne disent rien à Devedjian ou Hollande, plus occupés à compter les soutiens d'assistants de conseiller cantonnaux à telle ou telle candidature à l'investiture.

"S’il n’y avait pas d’ennemis de la liberté à l’étranger, c’est-à-dire de gens disant qu’il faut pénaliser la négation du génocide arménien, alors en Turquie les partisans de la pénalisation de la reconnaissance du génocide seraient anéantis." Baskin Oran

Le même Baskin Oran qui se bat contre une note du MGK (conseil national de sécurité) interdisant la traduction en turc moderne des archives du cadastre d'avant 1915, qui pourraient ouvrir la voie à des compensations pour les minorités chrétiennes (arméniennes, grecques, assyriennes) expropriées par l'Etat à la suite des massacres et déportations.

Baskin Oran serait il jugé en France?

Hrant Dink déclare en tous cas le concours ouvert "La Turquie et la France peuvent se battre pour savoir qui me mettra en prison le premier".

"If this bill becomes law, I will be among the first to head for France and break the law. Then we can watch both the Turkish Republic and the French government race against eachother to condemn me. We can watch to see which will throw me into jail first.....I really think that France, if it makes this bill law, will be"

Après s'être attelé à pourrir la constitution européenne, les politiques français vont maintenant studieusement pourrir la cause démocrate en Turquie et tout rapprochement entre arméniens et turcs... Mais il est vrai qu'un député des hauts de seine et un rougeaud qui n'est jamais sorti de son appareil connaissent mieux le sujet que des personnes qui se batte depuis des années pour faire progresser la Turquie sur la voie de la démocratie...


dimanche, octobre 08, 2006

Il n'existe aucune solution au conflit

J'ai toujours admiré les brusques accès de franchise de l'Etat Major de l'armée Turque. La dernière sortie du chef suprême Yasar Büyükyanit était destinée à répondre aux traîtres qui espéraient qu'Ankara prenne en compte le cessez le feu unilatéral proclamé par le PKK.

"Les forces armées avaient déclaré à plusieurs reprises qu'elles mèneraient leur combat jusqu'à ce qu'il ne reste plus un seul terroriste armé. Notre attitude n'a pas changé d'un pouce et ne changera pas" Déclare-t-il lors d'un discours devant l'académie de guerre.

Et d'ajouter "Il n'existe aucune solution au conflit". Difficile de mieux faire comprendre que le conflit avec le PKK est VITAL pour les forces armées turques, qui justifient par cet Etat d'Urgence permanent leur emprise sur les affaires civiles et leur rôle disproportionné. Un pays en paix, sans ennemi, n'a pas besoin d'une armée omniprésente, au dessus des lois, ayant droit de véto sur tous les sujets considérés comme "sensible", faisant pression sur les gouvernements qui lui déplaisent.

Les quelques milliers de "guerila" retranchés dans les montagnes du Kandil et menant des opérations sporadiques en Turquie, les dizaines de "Sehit" enterrés en grande pompe sont les meilleurs alliés des engalonnés d'Ankara. Officiellement favorables à l'entrée de la Turquie dans l'UE, les militaires refusent toute concession et s'insurgent quand les européens déplorent que l'armée turque soit trop importante.

Ils sont de faits les alliés objectifs des anti-turquie de tout poil, des chantres du "partenariatprivilégié". Comment s'étonner de ces affinités inconscientes entre ces manieur de batons, spécialistes du coup de menton énergique et exploiteurs de "l'insécurité" que sont Yasar Büyükyanit et Nicolas Sarkozy...



samedi, octobre 07, 2006

La carte Türkmène...

Depuis le temps qu'on ne nous bassinait plus avec eux, on aurait presque cru qu'Ankara avait fini par admettre qu'il valait mieux être un Turkmène en "Irak Nord" qu'un Kurde en "Anatolie du Sud-est". On ne parle pas beaucoup des Turkmènes sur ce blog. Ce sont les descendants des soldats et dignitaires Ottomans dans la région, présents à Mossoul, Erbil, Kirkuk , et estimés entre 300 000 et 2 000 000 (voir plus si la discussion s'enflamme) selon le Irak Türkmen Cephesi (front turkmène irakien), organisation proche du MHP, ayant adopté le signe du loup, et détestant, mais alors détestant les Kurdes.

Le problème c'est que ce joyeux front türkmène a fait un résultat ridicule aux élections irakiennes et semble mal parti pour obtenir son "Türkmeneli" (pays des Turkmènes).

Il faut admettre qu'ils revendiquent quand même Erbil Mossul et Zakho. Je ne suis pas sur qu'il y ait le moindre Turkmène à Zakho, mais admettons. Les Turkmènes que j'ai pu voir à Erbil étaient très sympas, tenaient des hôtels, et parlaient kurde comme père et mère (et turc comme grand père et grand mère, très dur.)

Les Turkmènes ont été effectivement opprimés par Saddam et par le royaume d'Irak avant lui, sommés de se considérer comme Arabe Chiite ou Sunnite lors des recensements. Celà sans la moindre espèce de début de commencement de réaction de la part d'Ankara. Il est de plus intéressant de noter qu’une partie de la minorité Turkmène s’est opposé à l’idée d’une intervention turque : Jawdat Al Najar, ministre turkmène au sein du GRK à Erbil est allé jusqu’à affirmerque « Les Turkmènes se battront contre les Turcs avec les Kurdes » évoquant le respect par les institutions kurdes des droits de sa minorité (enseignement de la langue, télévision,radio, publications…), ce qui contraste avec ceux des Kurdes de Turquie. Dans une interview donnée en décembre 2002, il dénonçait déjà les tentatives d’exploitation des Turcomans par Ankara, allant jusqu’à affirmer que la Turquie devrait appuyer aussi bien les Kurdes que les Turcomans et que « la terre des Turcomans est maintenant le Kurdistan ».106 En juillet 2003, le Front Turcoman s’est signalé en refusant de livrer ses armes interdites aux américains (le PDK et l’UPK étaient exemptés de cette mesure).

Une partie des Turcomans, de confession chiite, s’est même tournée vers les Arabes chiites radicaux de Mocktader al-Sadr et sont utilisés à Kirkuk pour alimenter la tension entre Turcomans, Arabes et Kurdes. Ankara a également échoué à imposer une représentation turcomane conséquente au sein du conseil de gouvernement irakien, en voulant absolument y introduire le Türkmen cephesi. Malgré les affrontements sporadiques entre Kurdes et Turcomans dans les villes de Kirkuk et Mossoul, il semblerait que les politiciens turcomans, lassés d’être instrumentalisés par la Turquie, se tournent vers l’autorité kurde au travers de ses trois représentants au conseil de gouvernement, Massoud Barzani, Jalal Talabani et Mahmud Osman (Dirigeant du Parti Socialiste du Kurdistan, PSK) pour faire passer leurs revendications face aux Arabes sunnites et chiites...

L'enjeu est évidemment de donner un prétexte à une intervention turque au kurdistan irakien: les Kurdes comptent bien récupérer Kirkuk après le referendum qui doit s'y tenir en Janvier. Ankara "déconseille" de tenir un tel réferendum, qui pourrait "allumer la guerre civile". Traduction, si 80% des habitants veulent être rattachés au Kurdistan, ca va péter.

Je ne peux pas résister à vous donner le lien "violations des droits de l'homme commise par le PDK" (contre les Turkmenes ont suppose). Une page blanche.

Le Front Turkmene Irakien affirme par ailleurs que les Turkmenes sont majoritaires à Kirkuk, et que si les Kurdes ont gagné les élections dans cette ville, c'est parce que des Kurdes déplacés par Saddam dans les années 60 sont revenus chez eux pour voter. Saddam avait donc tort en tentant d'arabiser les terres turkmènes, mais entièrement raison d'en chasser les Kurdes. De plus (j'en glousse tout seul) "seules 1938 familles kurdes et turkmenes ont été chassées de Kirkuk par le régime irakien", la preuve en étant "les archives du ministère au plan et du développement" (de Saddam donc!).

Je vous laisse découvrir la suite (en anglais), c'est un bonheur...

Allez quand même pour la bonne bouche

Sans vouloir nier le moins du monde que les forces de police Kurde ont pu commettre des abus contre les Turkmenes, j'avoue que la légende de cette photo vaut le détour.

"The following pictures are examples of the Kurdish police intimidation in Kirkuk. They were waving Kurdish flags in front of the polling stations and provoking the Turkmen voters."

C'est vrai que des moustachus qui dansent et qui rigolent en agitant un drapeau, c'est en effet très effrayant, et ca doit expliquer le score monstrueux du Front Turkmene à ces mêmes élections...

le èmepéutche du jour


On reste dans les sonorités Alevies, avec les frères Hüseyn Albayrak et Ali Riza Albayrak, album Sah Hatayi Deyisleri qui comme la moitié des musiques turques de ce que j'écoute (et sans le vouloir) est édité chez Kalan Müzik...l'autre moitié étant éditée chez Doublemoon



vendredi, octobre 06, 2006

Le renard dans le poulailler...

Les déclarations humanistes d'Abdullah Gül qui affirmait être prêt à "protéger" les kurdes irakiens en intervenant dans leur pays m'ont rappellé une caricature du grand Selcuk Erdem... retrouvée!

"t'en fais pas mon pote, on va te sortir de là!"

La chanson du jour

Petite innovation, parce qu'on arrête pas le progrès... Je vais essayer de proposer à l'écoute un morceau par jour, tiré de ma modeste collection de musiques kurdes et turques...Ces artistes étant rarement salariés d'Universal, j'ose espérer éviter les poursuites...

Aujourd'hui, ma grande découverte Sebahat Akkiraz.


Entrevue lors du concert "crossing the bridge" à l'Açik Hava d'Istanbul en Juillet 2005, cette diva Alévie en robe blanche distille les chants sacrés Alévis d'une voix lumineuse, vibrante...je m'enflamme, mais ces chansons ont un pouvoir apaisant et vivifiant que j'ai rarement connu, et des sonorités difficile à comparer avec les autres musiques turques ou kurdes... A découvrir donc, ici la chanson "Semah"...

Hey Dost , Hey Dost...........Benim Tabibim
Gitme Giden Gitme Sual Sorayım
Ol Nazlı Pirime Benzettim Seni
Sende Hak Nişanı Vardır Gördüğüm
Hak Dediğim Yere Benzettim Seni
Mevlayı Seversen Eylen Dur Gitme
Aşık Akan Sulara İntizar Etme
Bir Kaşları Suna Gözleri Sürme
Kiprigi Hançere Benzettim Seni
Hudey Haydar Hudey Benzettim Seni...


(NDB : pour écouter, cliquez sur "play")

Version Expired. Please Update.

"Dans le sud-est de la Turquie, se multiplient exécutions sommaires, enlèvements, attentats et tortures perpétrés par les services de sécurité, qui alimentent ainsi en nouveaux sympathisants les troupes de la guérilla (le PKK). Dans cette région, près de 15 millions de Kurdes sont pris en otage entre la guérilla et l'armée."

Non ce n'est pas un exrait d'un journal des années 1990, c'est un article du Monde. Soyons juste, c'est un article de la page "Opinions" du Monde. Ouf. Non parce que pour suivre l'actualité kurde au jour le jour, j'avoue que j'ai peur d'avoir raté quelques épisodes. Ou bien M. Claude Edelmann, "cinéaste, membre du Collectif pour les droits de l'homme en Turquie", collectif dépendant de l'association Primo Levi et collaborant avec l'IHD et le TIHV n'a pas bien lu ses notes, ou confondu un rapport de 1995 avec un rapport de 2005.

Je ne pense pas que l'anachronisme et l'exagération rende service à la cause des défenseurs des droits de l'homme en Turquie. Il n'y a pas grand chose à redire sur le reste de l'article, qui résume bien la situation de recul de la liberté d'expression et de persistance de la torture, mais le passage sur les Kurdes dérape totalement, et ne reflète en rien les rapports détaillés de TIHV d'IHD, de MAZLUM DER, qui seraient les premier à rapporter ces faits. Les victimes au Kurdistan turc sont aujourd'hui les soldats turcs et les membres du PKK. La période des "Özel tim", des milices de loups gris , des "disparus" et des assassinats politiques est, espérons le, terminée.

Ce n'est pas non plus rendre service au Kurdistan que de le faire passer pour un région à feu et à sang...ni de faire croire que le PKK "attire de nouveaux sympathisants!" à l'heure où les démocrates kurdes le pressent de déposer les armes...


mardi, octobre 03, 2006

Carnets d'un combattant Kurde

ARTE diffusait hier ce documentaire italien sur les combattants du PKK. Je n'ai pas eu la chance de le voir, mais voila une impression de telespectatrice avertie

"

Bon comme tu n'as pas Arte, tu n'as pas pu voir le documentaire sur le PKK
Impression : qu'entre le tournage et le montage certains trucs ce sont passés. D'où le fameux (je pense faux) carnet de route, de leur guide-traducteur qui a sûrement été ajouté après. Le guide en effet a quitté le parti (pour l'Europe) peut-être avec la petite Ozgur très mignonne, entrée dans le mouvement à 12 ans -premier combat à 14! en suivant Papa. Or le carnet nous apprend que le papa est mort, mais pas "sehit",(martyr) (liquidé quoi) et que la fille ne le sait pas encore . (l'épilogue nous apprend qu'elle aussi s'est cassée).
Bref le carnet c'est un peu le commentaire post sortie du mouvement / je trahis pas les heval (ça se comprend), mais le mouvement..attention quand-même.
Alors évidemment c'est hybride.
Pour le reste, une vraie sympathie pour les combattant(e)s, mais de toute façon c'est ce qu'on éprouverait aussi. Ils sont attachants (quoique certains, je les imagine bien liquidant sans état d'âme la famille du traitre)
Naturellement le culte de la personnalité délirant (les filles racontent leurs rêves) et l'idéologie foireuse (bon alors le grand soir ça doit être le retour au néolithique, la période rêvée où les femmes avaient "civilisé " les mecs! etc..

Franchement je les trouve un peu trop "photogéniques" ces petits groupes de combattant(e)s dans la montagne au printemps. Visiblement, ça marche toujours. Les filles sur la balançoire en tenue commando, c'est trop mimi. C'est la vitrine du parti, ces pauvres combattantes.

Un moment touchant, une nana raconte comment un jeune bidasse avait découvert sa planque..et ne l'avait pas dénoncé. Bon, j'attends un bon reportage sur ceux qui en sont sortis. Ce sera plus intéressant et ce n'est pas ce qui manque. Mais moins photogénique, c'est vrai. Quoique les nanas devenues officiers pershmergas, ça peut être un beau sujet, non?

Eh oui, le PKK a toujours eu une com' exceptionnelle, fascinant les européens en manque de che guevaras (Tati Danielle, Kouchner), et offrant aux journalistes en mal de sujet un "full package", une visite tout compris d'un "camp modèle dans le Kandil". On en peut plus. Un point commun à tous ces articles : le terrain de volley. Ca devient un lieu mythique de la cause kurde ce-terrain-de-volley-ou-les-combattants-des-deux-sexes-jouent-ensemble. Il est vrai que si on cherche des révélations journalistiques sur les purges, réglements de comptes, endoctrinement, il faut aller voir du côté de Chris Kutschera... singulièrement absent des médias français, malheureusement.

Notons quand même le petit commentaire intelligent du site d'Arte

En ces temps d'intervention américaine en Irak, la donne a changé au Kurdistan, cette région à cheval entre la Turquie, l'Irak et l'Iran. En Irak, les Kurdes viennent de remporter un succès électoral. Ils ont le soutien des Américains, qui sont aussi les alliés de la Turquie, dont l'intérêt est d'éradiquer la guérilla du PKK. Le président du PKK est en prison et ne prône plus la lutte armée. Résultat : sur le terrain, les militants sont désemparés. On sent chez eux un désarroi, presque une nostalgie des temps où les combats faisaient rage. Jeunes, ils ont pourtant tous connu le feu, la prison, la violence. Ils continuent à rêver d'un Kurdistan libre, même s'ils n'osent pas le dire et que leur parti n'en fait plus une revendication officielle. Ils passent beaucoup de temps à attendre et beaucoup de temps à marcher. Mais savent-ils exactement vers quoi ?

Le site des HPG (forces armées du PKK) a lui changé de look, avec ce magnifique slogan "nos martyrs sont notre hier, notre aujourd'hui et notre futur". Tout un programme. Ils ont d'ailleurs le droit à une rubrique spéciale, effrayante photo de classe par "promotion", martyrs 2003, 2004, 2005, 2006.


On imagine l'honneur insigne pour les "martyrophiles" de se trouver sur cette page.
En plus c'est pratique, on indique nom, prénom, date et lieu de naissance. Sympa pour les familles, qui peuvent avoir des nouvelles de leurs petits, encore plus pour la police turque qui sait ainsi quelle famille placer sous surveillance, harceler, interroger... Un dernier détail, les Sehits du PKK ne meurent pas au combat, ils sont assassinés. Nuance.



lundi, octobre 02, 2006

Une dernière et j'arrête, promis

Tout de suite, quand Sean Paul s'habille comme quelqu'un de civilisé, il a vachement plus la classe

C'est décidé, j'émigre...

...ok il faudrait que j'apprenne le Kurmanci avant, mais quand même! Voyez plutot...



Des acteurs "bourvilesques", des effets spéciaux (notez les bruits de balles directement sampés des westerns spaghettis), des figurants convaincants (la fille prise en otage qui rigole), et une dose d'auto-dérision grandiose!

Je veux des sous-titres!

Qui a dit....

" Le PKK est fini et n'a aucun avenir"? Jalal Talabani. Il appelle les Turcs a accorder une amnistie générale permettant aux combattants du PKK de rentrer chez eux sans être inquiétés.

Abdullah Gül continue de son coté à alimenter la rubrique comique de ce blog, avec son gros côté paysan naïf qui s'étonne. Interrogé sur les remarques perfides de Talabani qui accusait la Turquie d'ingérence dans les affaires "nord irakienne", il déclare à Newsweek

"I was surprised because Turkey is the one country that has really contributed to the Iraqi Kurds. Turkey is the country that protected them when there was a chemical attack in Saddam's time"

Pour un peu on croirait que la Turquie les accueillit à bras ouverts...je me répète, mais lui aussi!Et c'est vrai que masser des chars à la frontière et menacer quotidiennement d'intervenir (malgré le cessez le feu déclaré par le PKK), ce n'est en rien une ingérence. Il faut dire que son porte parole le surpasse de loin!

"Foreign Ministry spokesman Namik Tan said that Turkey's policy toward Iraq is both transparent and in line with good neighborly ties." (then new anatolian)

Magnifique! On croirait entendre Adolf parler de la Pologne ou de la Tchéquoslovaquie! Et si la Turquie attaque, ce sera à cause d'une lâche agression des peshmergas du PDK ou de l'UPK sur le territoire turc. On connaît. Il faudrait juste que "Mam Jalal" ne rentre pas dans ce concours de "qui c'est qu'est le plus con", il n'a absolument aucune chance de gagner.