dimanche, juillet 31, 2005

Choc des cultures


Il existe des situations qui ont une chance sur 1 milliard de se produire. En ballade dans le quartier de Fener avec ma mère, musant des les petites rues ombragées, nous tombons sur l'atelier d'un calligraphe: look "Fatih", avec barbe en bataille, "pantacourt" et longe chemise. Le bonhomme dessine, avec un bambou biseauté, des tableaux representant les 100 noms d'allah (99), fournissant mosquées, restaurants et maisons. C'est son petit bonhomme qui nous repère de la fenêtre en train d'admirer les calligraphies exposées, surgit dans la rue et nous fait rentrer dans la maison d'un air ne souffrant pas de contestation. Une fois piégés, il faut composer, et nous acceptons qu'il écrive nos noms en alphabet arabe: la main est sure et d'une rapidité effarante, et l'affaire est promptement pliée.

C'est là que survient le choc des cultures, l'évenement perturbateur improbable. Pendant que le gamin sèche l'oeuvre de papa au sèche cheveux, mon portable sonne: transfert dimensionnel, gouffre spation temporel: c'est Judith, accorte Allemande passée ce matin à l'appart pour une traduction en français, qui m'appelle pour piger un détail de l'intrigue du nouveau Harry Potter que je viens de finir et de lui prêter. Me retrouver à Fener dans un atelier de calligraphe et expliquer en anglais au téléphone que la prophétie annonce qu'Harry Potter est "l'élu" qui doit vaincre Voldermort, j'avoue que c'est un peu fort de café turc...



En kurde, "harry potter et le prince de sang mêlé" se dit "Harry Potter û Mîrê Dureh"
En Turc "Harry Potter ve Melez Prens"

En Breton approximatif "Harry Potter gant an hanter-gwad priñs" ;o)




samedi, juillet 30, 2005

East / West...crossing the bridge


C'était peut être LE concert de l'été, ou de l'année. 3h40 de bonheur dans l'amphithéatre Açik Hava, avec une affiche à baver: les musiciens du film "Istanbul Hatirasi" de Fatih Akin, dont j'ai précedemment parlé.
Evidemment, ma tête d'affiche, ma chouchoute, c'était la petite (immense) Aynur Dogan, chanteuse kurde découverte dans le film. Avec une voix à faire péter les vitraux, une puissance bouleversante, elle s'est fait ovationner par le public. Ma grand crainte était celle du consensus mou et d'une chanson en Turc. Que nenni, l'ambiance n'était pas au politiquement correct, et du Kurmanci s'est envolé plein pot dans le ciel d'Istanbul avec la chanson "ahmedo".


Je ne sais pas si les hurlements du public saluaient la chanson (sublime) ou la performance. Ne voyons pas tout en rose, le 15 juillet à Mardin l'album de cette même chanteuse a été interdit à la vente, bien que caracolant en tête des ventes d'album en Turquie. Il est plus facile de diffuser du Kurde à Istanbul qu'au Kurdistan, même si c'est un début les galonnés et fonctionnaires gardent un pouvoir de nuisance.
Qu'auraient ils pensé ces tétards qui pensent qu'une femme chantant en Kurde peut menacer les frontières de la Turquie (argument 100 fois entendu)??? Ce soir à Açik Hava c'était un défilé des minorités, Gitans, Arméniens, Alevis. Je pense que le fait d'appartenir à une minorité et de l'affirmer haut et fort par la musique est une magnifique façon de dire "Je vous emmerde". Ce concert était comme un énorme bras d'honneur à 80 ans de tentatives d'assimilation violente, la preuve qu'il est impossible de faire disparaître un peuple autrement que par le génocide physique. Tuez la langue, l'âme ressortira par la musique. Dans cette période de détente et d'abandon progressif du mythe "les turcs sont tous pareils, les différences n'existent pas" (mais certains sont moins égaux que d'autres), la musique "minoritaire" auparavant interdite ou margninalisée explose et revitalise la scène turque. Le défunt Kasim Koyuncu (mort le 25 juin à 38 ans) faisait beaucoup pour la musique "karadeniz" (mer noire) et pour la langue laze, Aynur Dogan je pense peut faire beaucoup pour le succès de la musique kurde en Turquie: elle n'a pas le profil "peshmerga" de Sivan Perwer...

Plus délire, les dinosaures de Baba Zula: mix des beatles période sergeant peppers (pour les costumes et les moustaches) , des doors (pour l'orgue psychédélique) et de Türkü.
Le clou final est le grand Mercan Dede, musicien soufi plus doué derrière ses platines ou au Ney (flute turco iranienne) ("le ney turc n'est pas un vrai ney" (musicien iranien) "le ney iranien, c'est pas un ney" (musicien turc).
Bref Mercan Dede lui joue du Ney turc (il n'est pas obligé de se niquer les dents et d'avoir un air bête (pardon manu)) et mixe musique soufie et rythme électro: en album ca rend bien, sur scène il se paie les services de musiciens gitans surdoués, dont un gamin de 15 ans à la clarinette et à la trompette...en guest star le rappeur Ceza (hallucinant!), et une chanteuse Alevie dont le nom m'échappe mais qui a le droit à la plus belle ovation de la soirée pour un chanson sur Ali (leur prophète)(qui en vaut bien un autre!).

En résumé, un beau M.............. à messieurs les assimilateurs et uniformisateurs pour qui la mort d'une langue ou d'une culture est une avancée de la civilisation.

mercredi, juillet 27, 2005

Un poids deux mesure

Il est difficile de faire plus schyzophrène qu'un bon nationaliste turc

Une visite sur le site "tête de turc" www.tetedeturc.com, illustration de la déconnection des diasporas par rapport aux réalités de leur pays, me fait hésiter entre l'éclat de rire et une vague nausée.

Une partie du site est occupée à exposer un argumentaire face au "problème arménien" que le gouvernement turc lui même aurait du mal à soutenir. Classique. Je précise que les excités de la diaspora arménienne ne trouvent pas beaucoup plus de grâce à mes yeux. Une autre partie dénonce les crimes du PKK et un dossier "ils élevent leurs enfants dans la haine" prête à sourire, quand on a déja eu entre les mains un manuel officiel d'histoire turque.

La ou ca dérape, si je puis dire, c'est quand une page offre des liens vers les "causes" qui trouvent grâce aux yeux de nos nationalistes d'operette, grands défenseurs de l'intégrité des frontières de leur bel Etat (dans lequel ils n'iraient tout de même pas jusqu'à vivre)

Sont listées

La cause ouïghoure

La cause Tchétchène

Les Türkmènes d'Irak

Le génocide Azeri (!!!)

Traduction: un kurde qui se révolte contre la Turquie est un traitre à exterminer, tout autre indépendantiste turcophone se révoltant contre un autre Etat est un héros... Evidemment ca fait un peu penser à la République Française une et indivisible qui critique la Turquie pour son intransigeance vis à vis des langues minoritaires, en d'autres termes l'hopital qui se fout de la charité.
C'est très énervant pour le nationaliste turc de diaspora de discuter avec moi...quand on lui dit que la Turquie opprime les Kurdes, il se raccroche à la branche et rétorque "oui mais la France aussi a interdit le Breton, le Corse, etc". Sans rétorquer que "certes mais on a jamais vu de chars français dans les rues de Brest", je me contente de répliquer "je sais, je suis Breton, pas Français". Désarmé devant ce complot international des minorités têtues, le pauvre gars baisse les bras...

Olympos

Je pense qu'un post suffit à raconter nos 4 jours à Olympos: après ma peur de la Cappadoce, ma peur de la côte méditerranéenne et de ses Allemands rissolant sur les plages bétonnées. Avouons le, je m'égarais. Si la côte de Side à Antalya est parfaitement immonde, si ca ne s'améliore pas beaucoup entre Antalya et Olympos, le total isolement de ce lieu et la présence d'une cité Antique Romano-Byzantino-Génoise en garantit la tranquillité. Largués sur la route côtière, il nous faut prendre un dolmus qui nous descend sur 10 kilomètres au fond d'une vallée. Ici poussent des "pensions" proposant des logements dans les arbres (tree houses) ou des bungalows, pour des prix certes élevés pour la Turquie (30 euros la chambre double), mais couvrant petit-dej et repas du soir. Après avoir tourné un bon moment sacs sur le dos, nous obtons pour "Saban Pensyon" (Shaban), qui offre le double avantage d'être très calme et assez proche de la mer...évidemment c'est pas plouescat, et "assez proche" ca reste 15 minutes de marche, ce qui me fait pas mal râler...le site est assez peuplé mais l'absence de construction en "dur" et de commerces fait qu'il est essentiellement fréquenté par des jeunes (stanbouliotes ou ankariotes je suppose) puisque je parviens à croiser une connaissance 30 minutes après être arrivé.
Le chemin de la plage coupe à travers les ruines, et débouche sur une crique paradisiaque flanquée de falaises abruptes. Point négatif, les galets qui font doublement mal aux pieds (chauffés à blanc). Point positifs l'eau limpide à 30 degrés et la rivière glacée qui s'y jette, permettant à l'embouchure de retrouver des températures bretonnes!

Une journée type est donc organisée de la sorte

1) lever tôt sous la menace, douche, petit dej

2) Exploration des ruines de la cité d'Olympos, curieusement désertées par les touristes qui se dirigent en convois vers la plage

3) Après midi à la plage, bronzette, baignade, sauvetage de Günce noyée, bronzette, retour à la pensyon

4) Bière.

5) Repas

6) Bavardage éventuel avec routards (notamment un couple d'australiens qui nous suit depuis Istanbul!!!), ou avec serveur kurde (oui, il falait bien que je tombe dessus). Celui ci refuse de croire que j'ai pu aller à Diyarbakir pour le Newroz en "touriste" et me colle une étiquette d'agent secret ou d'activiste. A noter qu'après avoir taté le terrain je lui lâche mon opinion sur le PKK et le DEHAP et qu'il est très heureux d'acquieser. Il a du mal à croire que ces couillons là se battent pour les Kurdes. Le Samedi il me présente (en Kurmanci (!!!) et avec des airs de conspirateur) à deux vacanciers vautrés non loin de nous. Ceux ci sont étudiants à Batman, et m'invitent à leur rendre visite en Septembre. On verra bien.

Après 3 jours de farniente avec arguement culturel, nous reprenons le bus pour Istanbul samedi soir, pour une arrivée au petit matin.


Nous disions donc

Difficile de tout concilier, et par conséquent certaine désertion de blog, je repends!

Nous nous en étions resté à l'arrivée dans le village d'Ürgüp. Enfin village, plutot une ville de 15 000 habitants déja nettement plus active que Göreme, ou du moins d'une activité non tournée vers les flots de routards déversés chaque jour par les Bus. La vieille ville (très vieille) est batie à flanc de colline, constituée soit de maisons troglodytes, soit de batisses en pierre dorée dont l'architecture diffère selon les quartiers. 3 collines surplombent la ville, la plus haute surplombée d'une tombe de Derviche, lieu de pélerinage et surtout magnifique point de vue sur ürgüp et ses environs. Nous y accédons en nous faufilant entre les maisons, en ruine ou habitées, d'un ancien quartier juif, toujours suivis par les deux chiens.
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En redescendant, Günce s'arrête dans un magasin de souvenirs pour s'enquérir du nom exact de la pierre utilisée dans le coin. Si ses recherches sont infructueuses, elles sont l'occasion pour moi de me rendre compte que les limites du mauvais goût n'existent virtuellement pas, à l'image de ces reproductions de "cheminées de fée" en plâtre peintes en rose vif. Je n'ai malheureusement pas le réflexe de photographier...

L'architecture du quartier grec diffère un peu, avec des maisons plus classiquement cubiques à 3 étages, aux facades ornées de moulures.

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Les rues sont écrasées de chaleur, et l'appel à la prière ne fait pas tiquer un groupe de moustachus occupés à faire un sort à des graines de tournesol sour l'arche d'une mosquée. La ville ne compte pas de monuments exceptionnels, c'est l'ensemble de petites maisons conquêtes en pierre de couleur miel, les petites rues pavées et ombragées qui constitue le charme des vieux quartiers. A noter tout de même un Medresse imposant, ainsi qu'un Hamam.

Nous nous perdons légèrement dans les ruelles de la vieille ville, pour nous retrouver au milieu de nulle part et forcés de passer par la ville moderne pour rejoindre l'otogar. Inutile de dire que j'en prend pour mon grade pour cette erreur de navigation minime.
Voulant nous rendre à Mustafapasa, nous campons à l'ombre sur un banc de l'Otogar, attendant le départ du bus de 14h30. Plongés dans le lonely planet, nous relevons les yeux à 14h31 pour voir l'antique bus bleu roi disparaître au coin de la rue. On frôle ici la crise de couple, mais le pire est évité et nous patientons jusqu'au bus de 15h30, qui nous amène donc sans encombre, mais avec une lenteur majestueuse, jusqu'au village de Mustafapasa à 5km (en cote). Ce village a été le lieu de tournage d'une série dont le nom m'échappe à cette heure, mais qui semble avoir fait un tabac en Turquie puisque même Günce, assez peu téléphile, semble toute émoustillée à l'idée de parcourir ces rues. Lesquelles semblent bien propres et bien pavées (il faut avouer que le bled ne respire par la misère), ce qui la conduit à persifler qu'elles ont été probablement refaites pour permettre l'actrice principale de marcher en talons.

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La "maison grecque", principale figure de la série, a été reconvertie en hôtel et est tout simplement splendide, même si les gérants semblent peu ravis mais résignés en nous voyant entrer dans le hall d'un air badaud puis resortir 2 minutes plus tard.
La ville compte de nombreuses églises orthodoxes, la principale au mileu du village, inacessible (les clés sont à la office du tourisme, l'office du tourisme est fermé le lundi...).

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D'autres sont disséminées dans la nature, la mieux conservée datant de la fin du XIXeme, et n'ayant donc été en service qu'une vingtaine d'année.
Nous ne pouvons passer qu'une heure dans ce petit paradis, forcés de prendre le bus de 17h45 en espérant choper le bus de Göreme à Ürgüp à... 18h. Inutile de dire que c'est tendu comme...très tendu, et que je dois faire stopper le chauffeur en catastrophe pour nous permettre de descendre et de rattraper l'autre bus parti 5 min en avance.

La soirée à Göreme est minimaliste, consacrée à soigner les coups de soleil et à préparer les visites du lendemain. Malgré mes réticences, nous obtons pour un "tour" (Tur), seul moyen d'aller visiter la vallée d'Ilhara sans passer la journée en transport. Je suis fondamentalement allergique au concept de voyage organisé, mais la il n'y a vraiment pas le choix. Le guide est foncièrement irritant, les compagnons de voyage sont essentiellement des coréens, et on ne peut visiter que ce qui est au programme...la vallée reste splendide, même si j'ai la bonne idée de me vautrer avec fracas sur les marches glissantes qui y mênent. 5h de "treck" en file indienne, et quelques belles scènes, comme ce champ de moutons.

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Au programme un lac volcanique, un monastère troglodyte et la ville de Güzelyurt, qui ressemble beaucoup à Mustafapasa. De retour à Göreme, il faut dire adieu à la pension et à Madame Fatma...



Nous avons réservé nos billets pour Olympos, sur la côte sud, à 2h de routes d'Antalya. Au programme donc 14h de bus de nuit avant de mettre les pieds dans l'eau



dimanche, juillet 24, 2005

L'escalier des chats

Comme je ne suis pas chien, je vous livre un "oldie", un vieux texte que j'avais écrit il y a deux ans à Istanbul et que je viens de retrouver...
A Istanbul, si la météo est pas au courant que cé le printemps (5°), les chats eux le savent. Apres les chats d'automne repus se dorant la tranche et vous regardant d'un air méprisant, apres les chats d'hiver transis et comédiens (oeil mouillé et miaulement "adopte moaaaaa"), voila les chats de printemps: bagarreurs et obsédés sexuels. j'habite comme vous le savez le "quartier des chats", et dans ce quartier il y a '"l'escalier des chats" ou une vieille folle nourrit une cinquantaine de minets et leur construit des abris ds de vieilles boites aux lettres: donc ca pullule grave, pire que des lapins.
Depuis 3 ou 4 jours je suis réveillé par des miaulements horribles caractéristiques du chat en chaleur, mais je n'imaginais pas encore le pire: maintenant je passe matin et soir devant une partouze féline généralisée. Y a pas d'autres mots: les chatons de qq mois se planquent pour ne pas se faire sodomiser par inadvertance. Et devant ce spectacle, outre que je me rappelle ma dure condition de célibataire, je ne peux m'empecher de penser aux injustices flagrantes de la société féline:
Le chat breton, ou pour généraliser de campagne, doit sa survie au fait que de la portée il était le plus mignon ou au fait qu'une famille Philochat l'a adopté chaton et abandonné lachement (le mien :o) ), ayant assuré durement sa bouffe, il reste soumis à des impératifs vitaux, tels qu'assurer sa domination sur les autres chats du village, impliquant expéditions punitives chez le voisin, disparitions de 3 jours et retours plus ou moins glorieux avec une oreille estropiée et des puces partout. Struggle for life. La situation s'aggrave à la saison des amours, ou pour tirer sa crampe le matou moyen doit parcourir des kilometres dans un environnement hostile de chiens, vaches, chevaux voire porcs, mais la faut vraiment le vouloir ou confondre lisier et phéromones. Il y laisse parfois sa vie, parfois un oeil, souvent sa dignité quand il rentre amaigri de 3 kilos et pas franchement piaffan, parfois même ses couilles, non que les matous se castrent entre eux, mais que les proprios lassés et angoissés le forcent à renoncer à sa virilité. Tchac. Le matou menera alors une vie de retraité tournant autour de la cheminée et de la gamelle, s'accordant de tps en tps un carnage chez les mésanges pour se rappeller sa folle jeunesse. Que dire de l'humiliation quand un chat à l'odorat défaillant prendra son manque d'odeur male pour une odeur femelle et lui fera des avances, sachant ce qu'avances veut dire pour un chat (snif snif, splotch splotch). Dure vie.

Le chat stanbouliote, du moins ceux de mon escalier ont recréé le modele communautaire hippie des années 60: on partage tout, on dort l'un sur l'autre, on bouffe ds la meme gamelle géante des plats cuisinés avec amour par une vieille turque qui ne parle qu'à ses chats, et au printemps c'est la fête, il suffi de se servir...sachant que cette communauté existe depuis des années, je n'ose imaginer les accouplements entre freres et soeur, fils et mère, pere et fille, voire père et fils ou frere et frere pour les plus cons ou les siamois (j'aime pas les siamois)...nourri, logé, sexe a volonté, pas de boulot, un grand parc à coté si par hasard les instincts guerriers ressortent, et une ration de calins quotidiens assuré par les passants...la vie self service....si je ne les avait pas vu la morve au nez et trempés tout l'hiver (dur hiver), je les envierais presque!

Ürgüp et Mustafapasa (à vos souhaits)

Parce que c'est bien beau de faire les touristes, mais que parfois les plans galères me démangent, je planifie pour le lendemain un trip héroïque vers le village de Mustafapasa, situé à quelques heures de route (inutile de parler en kilomètres, encore un concept d'occidental perverti) de Göreme. Après un petit dèj solidement rural (pain chaud, olives, tomates, et fromage de brebis)(veto de günce sur un bon oignon frais...),


nous attaquons la journée par une visite à l'église de "El Nazar", accessible par un petit chemin pentu partant sur la droite en suivant la route qui mène au musée. Le gardien de l'église prend en compte mon statut de touriste turcophone étranger mais pas trop et me fait le billet à 3 liras. 2 pour les turcs, 5 pour les étrangers, j'estime progresser sur le processus de naturalisation. L'église visitée, nous nous mettons en quête d'un bus pour Ürgüp.

Le bus, pris en stop sur la route asphaltée (ce qui mérite d'être noté) nous jette à l'otogar d'Ürgüp, ancien village mixte greco turco juif, devenu turco turco turc par la grâce des échanges de populations qui ont suivi la proclamation de la république. C'est le lot de la plupart des villages de Cappadoces, vidés de leur population grecque et repeuplés par les Turcs chassés de Grèce, pour des nations plus pures et plus fortes, sans pellicules ethniques disgracieuses. Ce que les apprentis épurateurs de l'époque n'ont pu effacer, c'est l'architecture grecque des maisons cappadociennes, quelques reliquats d'églises, quelques croix miraculeusement épargnées.

Décendus du bus nous sommes pris en charge par une brave chienne, qui pour une raison indéterminée nous suivra pendant 2 h dans les rues de la vieille ville. Elle sera elle même suivie par un autre clébard, pour une raison bien plus déterminée (snif snif, plotch plotch)


Je continuerai ca demain, suis définitivement crevé...




Cappadoce, part 2




J'en étais donc resté à une glissade sur les fesses.
Celle ci aboutit dans un jardin d'Eden, avec en guise de 1000 vierges 2 petits vieux placides et charmants.
Après avoir receptionné nos trois damoiselles, et vérifié du coin de l'oeil que le damoiseau ne s'écrasait pas comme une bouse, ils nous convient une leçon de chose fort intéressante sur l'irrigation du sous-sol cappadocien: instructif, puisque nous comprenons pourquoi sur ce sol crayeux et sec comme un coeur de banquier poussent des abricotiers, cerisiers, pruniers et autres pommiers, sans compter les petites vignes qui donnent le vin de cappadoce: quand on creuse 20 cm, la terre devient humide, merci les sources souterraines

Nous restons 30 minutes sous une tonnelle à nous gaver de fruits murs, à parler politique avec deux pépères. Résidants à Ankara, ceux ci reviennent au pays en été s'occuper de leurs modestes mais fertiles plantations. Prévisible quand on se ballade avec une stagiaire de la commission européenne à Ankara, la discussion s'oriente sur l'admission européenne de la Turquie. Autant dire que l'optimisme ne règne pas...
L'après midi est consacrée au musée de Göreme et ses nombreuses églises. Le planton se satisfait de mon visa étudiant (expiré en septembre 2003) pour m'attribuer un tarif "résident turc" (1,5 euros au lieu de 7 quand même!!!). Le coup de barre après 4h de ballade en plein soleil, est inévitable. A peine Antine et Lise reparties pour Ankara, l'appel de la sieste se fait sentir, et ce n'est que vers 18h que nous réemergeons de notre nit douillet pour une ballade dans les rues de Göreme et une ascension de la colline pour un panorama sur le coucher de soleil.


Cappadoce

Après moult réticences (tout le monde y va donc je n'y vais pas, na!), je me laisse finalement convaincre, et nous quittons Istanbul Samedi 17 Juillet pour la Cappadoce. La journée a été consacrée à trouver des billets pour Nevsehir, principale ville de Cappadoce...finalement apitoyé, le vieux moustachu de l'agence nous dégote deux places dans un bus prétenduement bondé: tout s'explique une fois le bus parti: les deux stewarts feront le voyage assis par terre, forcés de nous laisser leurs places. L'argumentaire du moustachu était aussi frappant que mensonger "non ce ne sont pas des touristes, ce sont des turcs, des clients réguliers". Bing. Heureusement pas de vérification ultérieures.
Un voyage en bus en Turquie peut être assez déroutant: d'abord pour la moyenne: elle frôle les 70 km/h, le bus se traînant en ligne droite pour cause de limitations de vitesses incompréhensibles. Ensuite un bus s'arrête toutes les 3h dans des otogars ou des aires d'autoroutes gigantesques et blafardes proposant des services divers, du barbier au fauteuil relaxant massant vibrant. Un touriste italien s'y essaie, et à ma grande satisfaction a l'air parfaitement stupide. Dans le bus il faut subir :
  1. la clope du chauffeur, qui grille 3 paquets en 10h de route sous le panneau "interdit de fumer",
  2. Le couple infernal "chauffage+clim" (chaud aux pieds, froid à la tête)
  3. La radio du chauffeur (toujours Süper FM ou Power Türk, radio de soupes industrielles, scies mécaniques qui vrillent puis liquéfient le cerveau)
  4. Un réglement stupide qui oblige à couper son téléphone portable dans le bus. Pas pour la nuisance sonore (on est en Turquie quand même!!!), mais parce que ca peut troubler les commandes. Ici je demande un avis d'ingénieur, perso j'ai un gros doute.
  5. Les voisines: 2 turques voyageant avec...4 gosses sur les genoux (pour payer deux places). Pas de jugement de valeur ici, même les autres turcs sont scandalisés et le font savoir. Les pauvres gosses dorment par terre, la tête contre le siège.
Nous arrivons à Nevsehir au petit matin. De ce que l'on en voit, moche et sans intérêt, si ce n'est celui d'être l'endroit ou on prend le bus pour Göreme, but de notre voyage.
Alors Göreme avouons le, c'est très choli. La place centrale est certes totalement vendue au grand capital, mais dès les petites ruelles l'ambiance change et la vie suit son cours normal. Notre pension est tenue par "Fatma Hanim" (madame Fatma) que nous avons eu au téléphone la veille pour réserver.

Détail cocasse, le numéro donné par Lonely Planet est celui de son mari, duquel elle est separé. Pas rancunier, l'ex mari nous fournit par texto le numéro de son ex douce et tendre. La pension n'est pas évidente à trouver, n'étant indiquée par aucun panneau. "Hayam pansyon" n'est pas déclarée, Fatma Hanim ne paie pas d'impôts, et tout le monde est content. La pension est adorable, creusée dans la pierre, veille maison Cappadocienne restaurée.

Le temps d'y poser nos sacs, et nous partons en quête d'un petit-dèj. A peine arrivés sur la place, nous sommes accueillis par un "THOMAS" strident. A Istanbul je ne me serais pas formalisé, étant fréquemment hèlé par des connaissances en terrasse. Dans un bled de 2000 habitants au milieu de nulle part, c'est déja plus louche, mais rapidement expliqué: à une table de café, Lise et Antine, camarades de promo de Science po Lille: Lise est en stage à Ankara, Antine est venue la visiter, et elles sont là en WE. Rien d'extraordinnaire, si ce n'est qu'on aurait bien pu passer la journée sans se voir!

Après un petit dèj express, en route pour le "Açik Hava Müsesi" (musée en plein air), en fait une vallée fermée ou sont concentrées les plus belles églises troglodytes. Lise connaît le coin comme sa poche (déja 3 ou 4 visites!) et nous emmène loin des sentiers battus pour un tour "alternatif" avec grimpette sous le cagnard, dégustation d'abricots, glissades sur les fesses sur la pierre ponce...

Oui, mais la je rentre juste d'une nouvelle nuit de bus, j'ai juste receptionnée ma Môman à l'aéroport, et j'ai juste envie d'aller bouffer, la suite plus tard



samedi, juillet 16, 2005

Changement de programme

On ne part plus dans le nord-est...
Les parents de Günce ont mis un veto sur les zones kurdes, étant donné la rupture de cessez le feu par le PKK. Je persiste à penser qu'on est plus en sécurité à Van ou Diyarbakir qu'à Cesme (20 blessés) ou Kusadasi (4 morts 17 blessés aujourdh'ui), stations balnéaires situées sur la côte égéenne, ou sévit le TAK. (faucons de la libération du Kurdistan).

Les plus matraqués des fans d'Öcalan pensent visiblement qu'il est dans l'intérêt des Kurdes d'aller se faire sauter le caisson dans les mini bus de Turquie parce que le grand chef est malheureux dans sa prison. C'est vrai qu'avec ca ils sont sur que la démocratie turque va avancer à grand pas...Si les Kurdes se mettent à avoir l'intelligence politique des Palestiniens je vais devoir me trouver une autre passion.

Nous sommes donc partis pour la Cappadoce, départ ce soir à 22h pour Nevsehir, ballade dans les vallées pendant quelques jours et éventuellement descente vers Gaziantep et Antakya...on peut espérer que les récents attentats effraient les touristes, et que nous ayons la Cappadoce juste pour nous...

jeudi, juillet 14, 2005

Trabzon-Van??

Rien de nouveau sous le soleil (de plomb)

Beaucoup de boulot au "bureau", ou je me suis improvisé hier interprète français anglais pour une interview de 2h, l'interprète officiel n'ayant pas pointé son nez. Pas de problème de langues, juste la difficulté de rester concentré et impassible à l'évocation de menaces, coups, tortures infligés à une femme congolaise, coupable d'être mariée avec un officier putschiste.

Le temps libre est consacré à la préparation d'un petit voyage d'une semaine à partir de Samedi.

Trajet prévu (en négociation serrée avec Günce, qui aurait préféré la côte égéenne et ses cars d'allemands) Trabzon-Van en passant par Erzurum, Yusufeli, Kars et Dogubeyazit.


En clair un petit surf sur les frontières Georgiennes, Arméniennes et Iraniennes... Sites grandioses, vieilles pierres et kurdes au programme! L'inconnue reste le retour de Van: 24h et 240 francs en bus, 2h et 400 francs en avion...oui je parle en franc et je vous emm...: 1 lire = 4 francs, 1 euro = 1,625000 lires. C'est tout vu :o)

vendredi, juillet 08, 2005

Tepebasi

Après 1 mois à Cihangir nous déménagons donc dimanche dernier à Tepebasi, petit quartier situé à 5 minutes de Tünel, de l'autre coté du "périph" de Takism. Frontière psychologique, ce boulevard finit par n'être qu'une aventure matinale et Corey et moi prenons l'habitude de sprinter en essayant de ne pas abandonner nos sandales sous les roues d'un Dolmus. Arrivés de l'autre coté sans encombre, il ne reste qu'à gravir une pente douce pour arriver dans les rues de Tünel, entre Gazino, hotel de passe et bar de bobo.
Tepebasi semble avoir été renové recemment, avec des rues pavées franchement plus propres que celle de Cihangir, des immeubles repeint de couleurs vives et même quelques arbres, rareté dans le centre d'Istanbul.
Comme je l'ai expliqué dans un post du moi de mai, nous sommes à deux pas du Stade de Kasimpasa, et au coeur du quartier natal du premier ministre Recep Tayip Erdogan, gage de sécurité!!

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L'appart lui même est propre et net, décoré un peu seventies avec tapisserie psychédélique et tapis moumoute blanc dans le salon. Le loueur est Onur, graphiste de son état, et à l'homosexualité bien assumée. Je ne dis pas ca parce que j'ai trouvé un magazine de charme (soft) avec des monsieurs tout nus dans ma chambre, mais bon. Après une bonne discussion avec lui et sa colloc, il s'avère que l'immeuble est exclusivement occupé par des étudiants, "alternative people" selon la demoiselle, elle même peroxidée et piercée: traduction "faites tout le bordel que vous voulez".

mercredi, juillet 06, 2005

Gwerz an Aygaz Marc'hadour (Complainte du vendeur d'Aygaz)

Oyez brave gens la triste histoire du camion fantôme

Ce qui est bien à Istanbul c'est que les schémas médiévaux se reproduisent en s'adaptant à la modernité. Comme le dit Jean François Bayard, tout emprunt culturel fait l'objet d'une dérivation créative. Ca sonne un peu science po de pacotille ca, illustrons.
Par exemple les minarets: les imams ont une formation dans les écoles coraniques, apprennent l'arabe classique, à diriger le culte, et aussi à faire l' "Ezan", appelle à la prière. Ils suivent probablement un enseignement ancestral, apprenant l'art de moduler leur voix, à lui donner une inflexion gracieuse, et surtout à la faire porter au loin du haut de leur minaret. C'est la que la modernité fait irruption: plus personne n'est assez con pour se fatiguer à monter en haut d'un minaret pour mettre ses mains en porte voix et s'abimer la glotte: Allah a donné au croyant l'électricité et le haut parleur! L'imam dispose donc d'un micro et d'un sound system de festival rock, et peut mugir le nom de Dieu bien au chaud dans sa mosquée. Il serait illusoire de croire qu'après 50 ans les imams auraient appris à adapter leur timbre de voix en conséquence: à l'image des vieux et des Parisiens qui se sentent obliger de gueuler dans leur portable parce qu'ils téléphonent loin, l'imam fait ressortir les instincts ancestraux et sature irrésistiblement son mégaphone: on ne sait donc si il appelle le pékin moyen à accomplir son devoir ou Bébert l'étrangleur à se rendre avant que les forces spéciales ne charge.
Dans notre nouvel appart à Tepebasi, Corey et moi même avons établi un système équitable de répartition des chambres. Mon concept de droit d'aînesse ayant échoué, nous prévoyons d'alterner toutes les semaines entre la chambre sans fenêtre et la chambre avec balcon et vue sur la corne d'or. J'en hérite pour cette première semaine, et si le coucher de soleil est sublime, son lever est salué (en avance je pense) par le minaret situé à 10 mètres de ma fenêtre.

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Plutot marrant, mais cette photo m'en rappelle une autre, prise de ma chambre d'hotel à Amasya en juin 2003. La proximité ne m'avait cette fois pas dérangée, étant donné que j'avais passé les nuits précédentes dans un dortoir de presbytère à Trabzon et dans un refuge de Trecker à 3000 mètre d'altitude à Ayder (Montagnes Kaçkar, pas loin de la georgie).

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Il parait qu'on s'y habitue. Je suis tellement traumatisé que vers 5h je me réveille par anticipation, au simple son de raclement de barbe contre le micro, prélude à des vocalises insoutenables et selon moi anormalement longues. Je songe a acheter une longue pince coupante et à tenter de couper le fil du haut parleur.
Mais je m'égare, je parlons d'irruption de modernité dans une société médiévale: les corporations par exemple: tout Istanbul est organisé en corporations médiévales: on a donc la rue des textiles, la rue des cordonniers, la rue des patissiers, etc. C'est parfois plus couillon, avec la rue des enjoliveurs chromés, la rue des fabricants de cuvettes de toilette, la rue des vendeurs de mannequins en plastique. Très drôle d'ailleurs dans une société musulmane et censément puritaine de voir des immeubles de 3 étages aux vitrines remplies de monsieurs et madames en plastique dans le plus simple appareil. Certes les monsieurs en sont séverement dépourvus, d'appareil, mais le spectacle reste saisissant. (Si ca intéresse un tordu, c'est pas loin de chez Günce vers Dolapdere).
J'en viens après ces digressions à l'objet de mon message: le Gwerz de la malédiction d'Aygaz.
Je vous préviens tout de suite, il ne m'a pas été chanté par un vieil aveugle au coin d'une rue, et cette histoire n'est (encore) connue que de quelques initiés.
Il ya des siècles et des siècles à Constantinople, un vendeur de bouteilles de gaz (oui, quoi, un problème?) se rendit coupable d'une grande offense envers les Djiins, sorte de Korrigans locaux. Revenant d'un Fest Noz à Galata il croisa l'un d'entre eux dans une ruelle sombre. Celui-ci lui demanda du feu: Notre héros, qui ne se séparait jamais de son briquet à gaz, alluma le cigare du Djinn et voulut reprendre son chemin.
Le djinn l'interrompit.
"offre moi ton briquet" dit-il, " et j'exaucerai ton voeu le plus cher"
Sans se faire prier, il lui tendit le briquet (qu'il savait presque vide).
"Quel est ton voeu?"
"Offre moi l'immortalité, ô Djinn"
"So be it!" (oui les djinns adorent parler comme l'empereur dans star wars)
Seulement voila, évidemment le lendemain le Djinn se retrouva comme un couillon au moment d'allumer les chandelles pour son dîner en amoureux avec une Succube. Briquet vide en main, bavant de rage (c'est moche un Djinn faché), il invoqua les esprits du mal et frappa le malhonête d'une terribe malédiction.
Le vendeur de gaz fut condamné à errer dans les rues d'Istanbul au volant de sa carriole, transformée au fil des siècles en vieux diesel mercedes. Il ne sera libéré de son sort que lorsque quelqu'un lui achetera une bouteille de gaz, ce qui n'arrive jamais. Le camion fantôme tourne donc inlassablement dans les rues d'Istanbul dès 8h du matin, son chauffeur désespéré actionnant toutes les 10 secondes le jingle "tutuu tutuuu tutututut AAAAYGAAAZ" qui vrille les oreilles du stanbouliote désireux de se remettre de l'appel à la prière de 5h (cf supra). Le Chauffeur, vissé à son volant n'a pas été mis au courant d'une évolution récente, la connection d'un grand nombre de maisons au gaz de ville. Il tourne et retourne, son camion repassant dans les mêmes rues, espérant toujours qu'un riverain excédé vienne lui acheter une bonbonne juste pour se débarasser de lui.
Voila, c'est peut être pas vrai, mais c'est ce que j'ai trouvé de plus rationnel pour expliquer pourquoi alors qu'on commande sa bonbonne d'eau à l'épicier par téléphone on devrait éprouver trois fois par jour le besoin d'acheter une bonbonne de gaz de 50 kilos dans un camion.

En Bretagne il était de coutume d'offrir à boir au conteur après une belle histoire. Si vous passez à Istanbul ramenez moi du cidre!

lundi, juillet 04, 2005

Musiciens de rue

La première tentative de musique irlandaise sur l'Istiklal ayant été un beau succès, nous rédicivons notre atteinte à l'ordre public vendredi soir, armés de quelques airs de plus. Si la foule est un peu froide au début, l'ambiance monte vite et nous parvenons à rassembler un public conséquent. Quelques originaux ont des demandes spéciales: un petit barbu tout bourré me demande de jouer "quelque chose qui lui fasse penser à Avalon, au roi d'Arthur", un autre veut du classique, sans comprendre que ce n'est pas franchement notre rayon. Une voiture de flic passe et nous fait signe d'arrêter, nous reprenons 2 minutes après, quelques spectateurs faisant le guet au cas ou. On joue environ 45 minutes, après quelques pauses consacrées à vider le contenu de l'étui à violon dans le sac de Judith, la masse de pièces de 1 lire devenant trop tentante. On arrête plus par fatigue que par manque de public, la foule du vendredi soir permettant une renouvellement permanent. Bénéfice net: 70 millions (45 euros environ), qui partent dans une tournée général au bar jet set Besinci Kat. Comme dépenser l'argent de cette manière fait un peu décadent, nous finissons par décider de jouer deux fois par semaine et de donner une partie des gains au tournoi de foot des réfugiés qui a du mal à payer la location du stade, réglant ainsi le conflit moral naissant.

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Il est vrai qu'il est difficilement admissible que deux crétins assurer de manger tous les jours ramassent plus en 1h que tous les musiciens de l'Istiklal réunis en une soirée. Attrait de la nouveauté pour les passants, supériorité "commerciale" de la jigue irlandaise sur une complainte anatolienne entendue cent fois, toujours est il que certains musiciens regardent les piques assiettes d'un sal air...

Istanbul Hatirasi

Oui alors évidemment si je vous dis "réalisateur turco-allemand primé à Berlin en 2004", vous allez au mieux prendre un air d'intérêt poli, au pire vous mettre à ronfler. Si je vous dis que l'actrice principale de "Gegen die Wand" a derrière elle une brève carrière dans le porno, une lueur lubrique va peut être s'allumer, mais sans rapport avec l'intérêt artistique du film. Il n'empêche que Fatih Akin est un des réalisateurs les plus doués et les plus emballants en activité actuellement, et je ne dis pas ca par chauviniste pro turc: "Istanbul Hatirasi" (souvenir d'Istanbul), "Crossing the bridge" pour l'export, sorti il y a peu est un film-documentaire qui vous plonge en plein Beyoglu, vous immerge dans l'esprit de ce quartier d'Istanbul (ou je vis donc). Le principe est simple, un bassiste Allemand vient essayer de prélever le "son d'Istanbul", armé de son studio d'enregistrement portable et, soyons honnete, d'un carnet d'adresse long comme ma...très long. (Matt Damon, Ocean's eleven)
Notre ami Allemand fait le tour des plus grands musiciens turcs en activité, tape des boeufs avec les plus grands groupes, et trouve ca tout à fait normal. Dans l'ordre Baba Zula (chevelus psychédéliques cocaïnés), en concert spécial sur un bateau remontant le bosphore. Selim Sesler, jovial gitan dégarni, clarinnetiste de génie, a bien le droit à une demi heure rien que pour lui: je connais ce phénomène depuis 2 ans, vu qu'il a fait la réputation des mercredi soir du bar "Bade Hane" (voir post du 1er juin). Pour moi c'était juste un musicien de bistrot. C'est en fait le plus grand musicien gitan de Turquie (et donc probablement du monde), originaire de Thrace, autant à l'aise dans un bistrot louche plein de moustachus au regard ténébreux que empapilloné dans un orchestre de cour Ottoman.
Mercan Dede, DJ Sufi mixant rythmes électros et instruments tradis, en concert dans l'amphithéatre Açik Hava, Duman en répet à Babylon, la "diva" Sezen Aksu (j'aime pas) se succèdent. Découverte traumatisante, les premiers rappeurs turcs, qui squattent les banlieues bourgeoises de la rive asiatique. C'est mieux que le rap analphabète français, mais ca reste assez effrayant. ENORME coup de coeur pour "Aynur" chanteuse kurde, une voix à vous scotcher au fauteuil. J'achète le CD le lendemain, (eh oui, c'est légal) (eh oui, à 40 francs le CD en magasin on a moins envie de télécharger, étonnant non????). La miss est coquette, les photos sont léchées, limites aguichantes. Certains trouvent qu'elle ne fait pas assez militante. Je trouve perso bon signe que les kurdes ne se sentent pas obligés de s'afficher en Pouchi (keffieh) à côté d'une flamme: signe de normalisation!
Une partie du film est consacrée aux musiciens de rue, qui je connais tous de vue, la caméra se ballade dans les ruelles avoisinant l'Istiklal, que je parcoure les yeux fermés...bref un film à voir pour s'imprégner de l'ambiance et du rythme de Beyoglu, et pour comprendre pouquoi je suis bien déterminé à ne pas le quitter de si tôt.

vendredi, juillet 01, 2005

IRLAP

Istanbul refugee law aid program, c'est la que je bosse maintenant.
On a commencé par me faire signer une clause de confidentialité, il faut dire que ma première mission est un travail de fourmi: le projet en étant à ses premières années d'existence, tout se fait sur papier, et je dois donc créer une base de donnée rassemblant les multiples données sur les demandeurs d'asile. Parfois c'est facile, il suffit de saisir les donnée proprement écrites sur le formulaire. Parfois c'est le parcours du combattant dans des dossiers épais de 10 cm d'où il faut extraire les infos une par une: ethnie, langues parlées, religion, on ne l'apprend parfois qu'à la lecture des transcripts d'entretien avec le UNHCR. Bon je n'ai pas le droit de dire grand chose, mais je me permet tout de même de livrer mon opinion sur les méthodes du "haut commissariat aux réfugiés": gestapistes. Je veux bien qu'il faille trier le réfugié politique du migrant économique, mais je ne vois pas en quoi 30 min de question à un paysan du Darfour sur le nombre de litres de laits produits par ses vache peut faire avancer son dossier. Certains interviewer sont arrogants, méprisants, cassants et ont l'air de traiter les dossiers à la chaîne.
Le boulot principal ici est de l'aide légale, et le "client" qui s'inscrit (gratuitement bien sur!!!!) au RLAP lui délègue en fait tous les pouvoirs pour porter son cas devant le UNHCR. Lequel a l'air de refuser systématiquement le statut de réfugié en première instance. "bon ton village a été brulé, tu t'es planquée dans la forêt, ton mari est mort, tu as traversé le désert, pris un bateau douteux et tu t'es retrouvée en Turquie avec tes 3 gosses?. Ton pays est à feu et à sang et la communauté internationale ne fait rien??" "Non désolé, tu ne nous paraît pas satisfaire aux critère d'éligibilité au statut de réfugié".
Une fois passé le barrage du UNHCR, les réfugiés officiels peuvent demander un Visa pour un pays d'accueil, habituellement Canada ou Australie. Il va sans dire que je vois peu de dossier de ce type, les migrants qui viennent nous voir étant soit nouvellement arrivé, soit déja refusé en première instance par le HCR.
Je ne pense pas violer la clause de confidentialité en vous donnant les pays pourvoyeurs de réfugiés: Soudan, R.D.C, Ethiopie, Somalie, Nigeria, Cote d'Ivoire, Iran.
L'Iran est un cas très spécial, en dehors de quelques kurdes l'écrasante majorité des demandeurs d'asile est...chrétienne. Pas Assyriens ou Arméniens, qui sont reconnus en Iran, mais des iraniens convertis par les églises évangéliques qui opèrent la bas en Catimini. Essentiellement des femmes, que leur conversion et leur apostasie donc force à fuir mari en colère ou famille déshonorée. Le droit de changer de religion est dans la charte des droits de l'homme, mais je m'interroge sur le droit des missionaires à aller ruiner la vie de gens dégoutés de leur religion d'origine par les mollahs. La conversion au christiannisme conforte peut être les blessures de l'ame, mais elle aggrave tout de même méchamment les conditions matérielles, et 80% des mes Iraniens sont donc des iraniennes parties avec leurs enfants sous le bras une fois leur conversion dénoncée. Occupés à leur mission divine, les évangélistes s'en soucient probablement peu, après tout les souffrances de leurs ouailles ne sont rien par rapport à celle de notre seigneur, blabla bla, blabla, amen. De plus les convertis sont récupérés en bout de course par les églises stanbouliotes qui leur fournissent il est vrai une assistance précieuse. En prenant du recul on aboutit donc à se scénario.

1) Conversion de l'infidèle dans le pays d'origine (et tiens que je te prète une bible, et tiens que je te parle de jésus)

2) Paria de sa société, le converti doit fuir son pays

3) Réfugié en Turquie, le converti se voit défendu et assisté par les églises locales

4) Inch allah, enfin si Dieu veut, le converti est reconnu comme réfugié et part dans un bon pays chrétien (qui accueille d'ailleurs plus facilement les chrétiens...)

5) Au rythme actuel, l'Iran sera vidé de sa population dans 1410941094 ans, et pourra être repeuplé par de bons chrétiens

J'ai un doute, mais bon.