mercredi, août 31, 2005

Courrier reçu par Kurdistan Blog Union....

Salut à toi l'aventurier du Kurdistan
Ca m´a fait plaisir de lire tes notes de voyage. Je crois ke tu es l´un des rares premiers touristes francais ki va visiter le Kurdistan d´Irak. Mais avant dans les années 80s c´était plus joli à voir en tt cas là où j´habitais (Berwarya), c´était encore la vie traditionnelle des montagnes (costumes, fêtes, music....). Mais après 1988 pratiquement tout a été rasé. Quand les gens sont revenus d´exode, beaucoup sont allés dans les villes. et la-bas c la modernisation, la mondialisation.... Du coup même quand ils sont retournés dans les villages qu´ils ont reconstruit, ce n´était plus la meme structure sociale, le même mode de vie.... Par exemple aujourd´hui les mariages ne sont pas fêtés comme il y a 20 ans de cela, c´etait plus folklorique et plus joyeux.
2 facteurs ont changé la société kurde et cela dans un laps de temps trés court: la modernisation, mondialisation d´une part, et l´islamisation d´autre part (tt cela dans les villes). c allucinant ca fait peur le changement ki s´est produit depuis la fin des 80s. l´islamisation gagne de plus en plus de terrain avec l´argent de l´arabie saoudite. c aussi à cause des autorités kurdes ki sont corrompues et ne se préoccupent pas de la population, ne créent pas un enthousiasme, de réelles perspectives d´avenir. Du coup les gens se tournent vers la religion.
Moi je pense k´il y a eu le Kurdistan et il y a ce k´il en reste.
Mais j´espere k´un nouveau Kurdistan naitra ki allie identité et modernité, tt en étant epargné par l´islamisation ki est synonime d´oppression et de chaos.
à une prochaine sûrement

Shino


mardi, août 30, 2005

Dur retour à Istanbul

Une semaine sans histoire, puis deux emmerdes successives:

1) Je croise mon loueur Onur dans la rue. Il part en vacances sur la côte sud. Quand je lui dis que ma nouvelle colloc arrive la semaine prochaine pour septembre, il me dit que "ce n'est pas sur" que je puisse rester, et qu'on en reparle vendredi (3 septembre). J'apprécie le "ce n'est pas sur" qui me met dans une position délicate...je peux de toutes façons rester au maximum en septembre et doit donc trouver un nouvel appart...ce sera difficile de trouver mieux!

2) Mon chargeur de PC me lâche. Je me dis que ce n'est pas bien grave, avant de découvrir le monde de l'informatique à Istanbul: 3 semaines minimum pour faire venir un p...... de chargeur HP à Istanbul. Il ne semble pas y avoir de boutique de pièces détachées, à part peut être à Mecidyeköy. Tout est fermé aujourd'hui (fête de la victoire), et je squatte le chargeur de Günce. Comme elle ne peut bien sur pas se permettre de me le laisser 3 semaines, je risque de me retrouver sans Ordi pour commencer mon nouveau stage...je serai à la rigueur occupé à chercher un appart en pleine rentrée des classes, donc c'est un moindre mal.

Bon il faudrait que je retourne au Kurdistan, moins de prise de tête la bas (plus facile d'échapper à l'UPK que de trouver un chargeur standard à Istanbul!!!!!!!!!!!)

Elle est longue la route d'Istanbul...

Le passage de la frontière est à nouveau pénible. Nous sommes pris en charge à Ibrahim Qalil par un taxi kurde de Silopi. 1h de queue sur le pont qui sépare les deux pays: nous obtenons un passe droit après que j'aie papoté avec l'officier turc qui dirige les soldats chargés de fouiller les voiture. Celui ci n'est pas franchement hostile: il fait son service militaire et visiblement se contrefout pas mal que nous revenions du Kurdistan. Il autorise notre taxi à se mettre sur la file des camions, nous permettant de gagner une heure précieuse. Nouvelle chorégraphie bien réglée, nous valsons entre les différents bureau: surprise, nous devons jurer à un officier de santé que nous n'avons pas eu de maladie bizarre en Irak du Nord. Celui ci me demande de lui écrire "avez vous eu de problèmes de santé" en français, suspectant peut être un afflux prochain de cars de touristes ;o).
Avant de faire tamponner mon passeport, un abruti s'intéresse à mon vieux Visa d'étudiant datant de de 2002...rien à faire, il l'emporte pour vérification ce qui nous fait bien perdre 30 minutes. Devant un officier de douane, toute explication ou tentative de communication est parfaitement inutile: j'ai beau lui dire "ce truc est dépassé, c'était il y a deux ans", il semble se demander si je suis bien en règle malgré mes beaux tampons datant d'il y à peine une semaine.

Nous fonçons finalement sur Silopi, où nous arrivons à 16h45. Le dernier bus "pour Istanbul" (ah que je suis naïf) part à 17h, j'échappe à une nuit de perdue! Je fais mes adieux à Roxane en partance pour Batman la mort dans l'âme (une journée de perdue par la faute de Sophie...), et qui passera finalement la nuit à la maison des professeurs d'Idil au nord de Cizre, faut de bus à cette heure tardive. Mon bus s'avère en fait aller à Adana. Nous y arrivons à 5h30 du matin après deux contrôles militaires (la route longe la frontière syrienne) minimalistes et détendus. 3h d'attente non prévues à Adana, ou je prend un bus pour Ankara: celui ci est un enfer: chaud, d'une lenteur exaspérante (60 de moyenne), musique de merde en boucle. 8h pour joindre Ankara, à 500 km...Une heure d'attente, et nouveau bus lent pour Istanbul. J'arrive finalement chez moi à 22H30 après 30 heures de voyage...35 depuis Amidya!!!




Amedi, Amidya, Amedye???

Je me suis personellement fixé sur Amidya, mais personne ne semble pouvoir se mettre d'accord. Nous partons d'Erbil à 13h: Khassoul notre chauffeur nous retrouve à l'hôtel à 12h et nous conduit au poste de police: oui, nous devons quand même récupérer les papiers "confisqués" l'avant veille. Au guichet je dois déposer mon appareil photo à côté d'une belle collection de flingues...je me dis qu'au moins il est en sécurité! Malgré un mauvais pressentiment tout ce passe incroyablement vite! Nous sommes dirigés vers un bureau au fond d'une petite cour: je crains le pire quand le préposé nous demandes des photos d'identité, mais devant ma feinte incompréhension (habitude prise en Turquie: quand police demander choses chiantes, moi soudain plus comprendre turc), il laisse tomber et nous rend nos papiers, après avoir calligraphié avec application mon prénom et celui de mon père. Thomas, fils de Pierre, commence à être connu dans toutes les adminitrations!!! Le plus drôle est que j'aurais très bien pu prétendre être fils de Mathurin ou d'Anatole sans craindre de représailles: personne ne m'a demandé d'extrait de livret de famille! Nous prenons donc la route de Mossoul dans la (puissante) voiture de Khassoul. Celui-ci parle un peu anglais mais n'est pas spécialement bavard. Il s'arrête à la demande (nous l'avons exigé au PDK) pour prendre des photos de ponts, payages, rivières. La route pénètre dans le Badinan, coeur du Kurdistan, siège d'un ancien royaume et région d'origine du clan Barzani...nous passons d'ailleurs par Barzan, petite ville qui ne semble pas avoir grand chose à offrir.

Au détour d'une colline, après 2 ou 3 heures de route (note pour la prochaine fois: 1h kurde = 1h30 GMT. 2h=3h, 4h=6. En gros multiplier par 1,5), la ville d'Amidya s'offre à nous: un piton rocheux à 1400 mètres d'altitude, 1km de long sur 500 de large (j'ai au moins trouvé cette info!).
Quelques informations trouvées à grand peine sur le net, et qui me semblent peu dignes de foi...: la ville serait pour la première fois mentionnée sur les tablettes des Assyriens sous le nom d'Amat, au IXeme siècle avant J.C. Elle a été la capitale du royaume kurde du Badinan, du XIIIeme siècle à 1842, date à laquelle l'Empire Ottoman a démantelé les émirats Kurdes...Jusque là tout va bien. Ensuite le site décrit le principal joyau de la ville, une porte du XIII ème siècle comme datant de l'empire Parthe, ce qui paraît plus que douteux.
Toujours est-il qu'arrivant à Amidya, nous demandons à Khassoul de nous conduire à la demeure de "Monseigneur Raban", évêque assyrien du diocèse d'Amediye (et non pas catholique comme l'a prétendu Roxane). Que nenni nous répond Khassoul, il a ordre de nous conduire au bureau du PDK. Nous sommes ici accueilli par un jovial moustachu, Yussuf Ahmed. La communication est d'abord difficile, puisqu'il ne semble pas parler un mot d'anglais: pure timidité, puisque ses souvenirs de lycée lui reviendront à sa grande surprire: le lendemain il bombe le torse en se caressant la moustache en me disant "I understand you" (pause) "and you understand me!!!". Il n'arrive visiblement pas à y croire, mais prend soin de le signaler à ses subalternes, à faire la leçon à son fils de 10 ans, et probablement à en informer sa femme dès son retour à Zakho.
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Soudain une cinquantaine de personnes font irruption dans le bureau: d'abord une vague de femmes pomponnées, ensuite une vague d'hommes sur leur 31. Ils viennent saluer 1 à 1 le chef du PDK (et dirigeant de fait de la ville) avant leur "cours du soir". D'après ce que j'en comprend le PDK organise "l'école du parti", probablement une petite propagande politique des familles: cela ne semble pas bien méchant: quand nous sortons du batiment du PDK les "élèves" sont assis sur des chaises de jardin et font semblant d'écouter un professeur qui leur explique quelque chose sur un tableau blanc. Au passage des touristes, ils ne font même plus semblant d'être attentifs: 50 têtes se tournent et nous suivent du regard! La scène se répète à notre retour une heure plus tard, d'autant que par mauvais esprit nous leur faisons des risettes et des coucou de la main...

Un jeune peshmerga (je me sens vieux au Kurdistan...) en civil nous accompagne pour une ballade dans les rues d'Amedi. Sa mission: nous trouver des vieux monuments: le jeunot a le nez creux, puisqu'il nous emmène directement à une magnifique porte de pierre. Il nous faut bien une heure et de nombreux cris d'extase pour la photographier sous toute les coutures!
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On reconnait ici le symbole du Badinan: deux serpents entrelacés (la ruse et le courage) surmontés d'un oiseau non identifié: cet oiseau est réputé pour s'ouvrir le ventre pour nourrir ses petits en cas de famine. Je sais que ce n'est pas un pélican, je pense pour un Ibis mais toute information est la bienvenue!!!! Quelques recherches plus tard: l'ANKA en culture mésopotamienne semble être le Phoenix...ce qui colle pas mal au gout des Kurdes de s'immoler à la première occasion.

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La route pavée (très très vieille) qui débouche de la porte descend en zigzaguant dans une vallée verdoyante, dans laquelle se trouvent quelques villages assyriens. Portant un panier de figues et de grenades (le fruit!), un homme la monte en soufflant comme un boeuf. Je compatis. Il s'arrête près de nous pour récupérer, et engage la conversation en excellent anglais. Il nous confirme que la porte a été érigée sous le reigne des emirs du Badinan, et nous parle d'un cimetière des princes du Badinan situé quelque part dans la ville. En guise de prince, nous nous contenterons pour l'instant de ce visage....

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...qui met Roxane au bord du pâmoison!! Après les tombes préislamiques de Salaadin, c'est notre principale découverte au Kurdistan.

Des hauteurs nous pouvons voir les ruines d'une très vieille Medrese (école coranique) perdue dans les broussailles, autrefois un centre culturel important.

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Notons également dans la ville une église en ruines, et une autre en activité. Ma fascination pour les chrétiens d'orient est récompensée, et je passe 2 minutes à la porte à écouter les chants liturgiques sans oser entrer. 30 à 35 familles assyriennes vivraient à Amedi, villes entourées de nombreux villages chrétiens.

La Mosquée ne présente que peu d'intéret. Son Minaret du XIIIème siècle nettement plus! Il rappelle trait pour trait celui d'Hassankeyf et une de ses faces (pour peu qu'un cylindre ait des faces) est criblées d'éclats d'obus, souvenir de la guerre Iran-Irak. (photos à traiter et à venir!)

Nous poursuivons notre déplorable habitude de troubler la vie quotidienne de la ville: ici un entraînement de foot au sérieux compromis: les jeunes sportifs viennent de nous repérer pendant leur échauffement, dans 10 secondes, plus personne ne court et tout le monde fait des coucous, même l'entraîneur.

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Pour la soirée, Younes nous convie à un endroit "more good than Amidya", ce qui promet. Deux jours de plus en sa compagnie et j'aurais probablement abandonné le "better" pour ce délicieux "more good". Loin de moi l'idée de faire mon pédant et de corriger sa grammaire, mon minable niveau de Kurmanci ne me le permet pas vraiment. "More good" en Kurde, signife malheureusement "plus moderne". Le village de Sulav situé à la sortie de la ville n'est qu'un groupement de restaurants, de bars, de boutiques de souvenirs et de vendeurs de barbe à papa...surréaliste, mais la région est prospère et les habitants pas spécialement austère! La vile servait de toutes façons de villégiature aux dignitaires du régime Baathiste. Nous avons donc le plaisir de nous régaler de tête de mouton (ce qui vaut bien les couilles de Diyarbakir) aux frais de la princesse. Un pont trop propre pour être honnête rappelle celui de Zakho, mais a probablement été reconstruit, voire récemment construit sur le même modèle.

Seul bémol de notre séjour à Amidya: le couchage. Alors que nous devions dormir dans une petite pièce dans les bureaux du PDK (spartiate mais propre), on nous ammène finalement dans un "hôtel" franchement répugnant, sans draps ni douches. Je dors sur mes deux puchis étalés sur le lit, et ma prochaine douche aura lieu deux jours plus tard à Istanbul!

Le lendemain matin visite de la Medrese en compagnie de deux peshmergas. Communication difficile jusqu'à ce que l'un deux apprenne que je parle turc. C'est tout de suite plus facile, même si son niveau est basique (appris à la télé!).

L'accès à la Medrese est acrobatique: descente à flanc de ruisseau boueux au milieu des ordures (l'écologie et les kurdes...). Roxane et ses vertiges ralentissent la marche. Les deux kurdes eux sautillent allégrement sans craidre de se salir les bottes. D'après mes recherches son nom est Qubad (un émir du Badinan), et elle était célèbre pour sa librairie, une des plus grandes du monde musulman....retour au bureau du PDK après quelques photos de bon goût.

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L'heure du retour a sonné, et nous montons dans une voiture qui nous conduira à la frontière...

(photos copyright www.roxanephoto.com)(qui tout comme moi a des relations nombreuses, haut placées, et armées jusqu'aux dents)

jeudi, août 25, 2005

La citadelle d'Erbil

La matinée est agréablement occupée à arpenter les ruelles de la ville fortifiée.

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Elle est habitée parait il par des familles ayant fui leurs villages rasés par les armées de Saddam.

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Si les ruelles étroites en terre battue sont peu reluisantes, les cours intérieures sont proprettes et garnies de l'indispensable carré de pelouse que chaque Kurde digne de ce nom semble devoir faire pousser. Venus de le but de faire quelques portraits d'enfants, nous sommes rapidement submergés par le nombre: très sourcilleux sur les questions d'équité, les petits kurdes s'estiment lésés si on photographie leur copain et pas eux.

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Vous tirant par la manche d'un air vexé, ils se font un devoir de vous le faire savoir et d'exiger réparation immédiate.

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Certains gamins tentant de se faire immortaliser plusieurs fois, les grands frères viennent faire le ménage à grand coups de taloches, prenant ensuite des poses viriles devant l'objectif. Si les petites filles n'agissent pas différemment de leur collègues, les petites ados ont une attitude toute autre: mines effarouchées, mains sur le visage et "non non non" énergiques de la main. Il serait hatif de le prendre pour de la pudeur: tournez les talons et elles courront se remettre dans le champ, ravissantes dans leurs robes traditionnelles: le premier refus n'est que de pure forme, coquetterie toute persane.

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Les mères de famille n'agissent pas différemment, finissant toujours par empoigner leur dernier rejeton pour poser fièrement devant leur porte, ce qui leur donne un prétexte pour être photographiée tout en respectant les convenances.

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Les hommes eux ne font pas tant de manière, meme si comme les peshmergas ils exigent un délai raisonnable pour rajuster leur coiffe et recoiffeur leur moustache. L'air viril et sonjeur du bon héros kurde semble acquis dès la naissance, même si il manque un peu d'originalité. Par respect, ils empoignent souvent l'ainé de la bande, vieillard superbe ou très décati, pour lui offrir un portrait individuel.

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Rien de particulièrement intéressant au niveau historique. Une petite mosquée au minaret couvert de céramiques et un vieux hamam que 10 gamins survoltés nous font visiter sont les seuls attraits de la citadelle, si on omet bien sur les murailles gigantesques, et une statue récente non identifiée devant la porte principale. Identifiée 2 semaines plus tard! C'est en fait la statue du poète Ahmede Khani.


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Une visite au bazar situé au pied de la colline me permet de me trouver un poushi au couleurs des Barzanis (rouge), plus convenable que mon pushi noir ramené il y a deux ans de Diyarbakir.

(photos 4 et 9 piquées avec la gracieuse autorisation de Roxane et non libres de droit!!! Bon après vous êtes prévenus, vous ne voudriez pas avoir le PDK à vos trousses....)





mardi, août 23, 2005

Erbil / Hawler

A Erbil, on nous dépose à l'hôtel "Sheereen" qui, comme nous l'avons demandé, se trouve à deux pas de la citadelle. Cela devient une habitude: voila deux hôtels que nous visitons à Erbil, et deux Turcomans que nous rencontrons: celà doit être une corporation spécifique, un peu comme les boulangers de la mer noire à Istanbul! Bref inutile de dire que cela facilite grandement la conversation: malgré mes efforts acharnés en Kurmanci, j'ai l'impression de parler anglais quand je peux enfin m'exprimer en turc tant cela parait facile! Je fais nettement moins le malin quand un vieux turcoman s'approche: là je ne pige plus un mot, et pourtant ca sonne bien comme une langue turque avec un fort accent arabe!

Nous sommes comme deux enfants apprenant à marcher: maternés par nos preneurs d'otages nous n'avons pas encore eu à nous débrouiller seuls! Les premiers pas dans Erbil sont grisants, et on réalise peut être pour la première fois que nous sommes deux touristes au Kurdistan Irakien! Un Kebab pas bon pas cher plus tard, nous échangeons nos premières impressions sur la bouffe de rue au Kurdistan: berk. Quelques pas dans le bazar, mais la nuit tombe déja et nous passons le plus gros de la soirée dans un cyber café.

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La forteresse de Saladin

Surprise! Dans la voiture qui nous conduit à Salahadin, nous retrouvons notre ami peshmerga de l'entrée. Il a visiblement décidé de ne pas perdre une miette de l'histoire et de ne pas nous lâcher d'une semelle. Le trajet est plaisant (débarassés de nos parasites nous sommes franchement joviaux), disco kurde à fond les ballons, blagues avec les deux soldats. Ceux-ci, visiblement choqués que JE leur offre des cigarettes (bah oui, on m'offre des paquets faut bien que ca fasse des heureux) font une pause ravitaillement sur le bord de la route et me fourrent d'autorité un pepsi glacé dans les mains. Petite réclamation aux kurdes d'ailleurs: pas de coca light dans ce beau pays c'est un vrai scandale.

Nous arrivons à Salahadin dans le bureau d'Ibrahim Hassan. Un petit peu plus classe que l'UPK à Mossoul, avouons le. Le secrétaire parle anglais, un employé parle français (avec l'accent suisse). Ibrahim Hassan, que, si vous avez suivi, j'ai appelé le matin même en catastrophe, nous reçoit dans son grand bureau. Je suis surpris par son air imperturbable, étant resté sur une bonne impression après son éclat de rire au téléphone. Son air important et officiel ne résiste pas au récit détaillé de nos aventures, et il ne peut pas s'empêcher de hoqueter quand je lui dit qu'Ahmed a menacé le chauffeur de taxi. Que l'UPK se mèle de faire la loi dans SA zone, ca lui paraît un peu fort...
On nous fournit un chauffeur pour nous conduire à la forteresse de Saladin, située à 20 km au nord à vol d'oiseau, bien 50 en suivant les routes de montagne. Il fait 50°, nous sommes à 2000 mètres d'altitude. Le cadre est sublime et Roxane fait arrêter la voiture toutes les 5 minutes pour prendre des photos. Il ne reste pas grand chose de la forteresse elle même, 5 tours sur un piton rocheux et quelques traces de murs...impossible de trouver la moindre doc sur internet donc désolé pour le manque d'infos historiques.


Au pied de la forteresse, un trésor archéologique: un cimetière kurde, visiblement pré islamique.
Les tombes sont à couper le souffle, et leur importance historique me fait monter les larmes aux yeux. Qui ne s'est jamais rêvé en Indiana Jones? Zone de guerre depuis les années 20 le Kurdistan Irakien n'a jamais du attirer beaucoup de touristes: plus encore que le kurdistan turc il doit regorger de trésors méconnus et non répertoriés...ces tombes couvertes de symboles païens et de sabres sont en parfait état dans un cadre préservé et inviolable.
Inutile de dire que nous photographions le site dans ses moindres détails (pour ceux qui se demandent pourquoi je n'ai pas publié de photos des jours précédents: elles sont sur le disque dur de Roxane et j'attend qu'elle rentre à Istanbul pour les récupérer...celles ci étaient sur ma clé USB!). Comme à Hassankeyf on frôle le malaise malgré les 4 litres d'eau emportés en prévision. Le chauffeur, qui n'a pas l'air de souffrir de la chaleur se paie le luxe de refuser la bouteille que je lui tends. En 3 h de ballade en plein soleil il n'acceptera qu'une gorgée d'eau: ces Kurdes sont des fous furieux!!

Le chemin du retour est idyllique. Si les montagnes sont arides, les vallées sont verdoyantes, et cultivées, véritables oasis dans le désert:

Un paysage de carte postale, à peine gâché par une persistante odeur de chèvre!



J'en ai des tonnes des comme ca, il suffit de tourner la tête pour pousser des cris d'extase à chaque instant. Pas difficile de comprendre pourquoi les kurdes se sont battus comme des lions pour ce pays!! De retour à Salahaddin nous récupérons nos sacs ainsi qu'un laisser passer du PDK sensé nous éviter tout problème éventuel...en route pour Erbil, dont nous n'avons encore rien vu par la faute de l'UPK. L'hôtel a été réservé, et un chauffeur nous attend à 12h le lendemain pour nous emmener à Amedi. Différence notable avec les méthodes UPK: maitenant on paie. On nous aide, on nous arrange tout, mais fin de l'aventure tout frais payés. Normal quoi. Oh j'oubliais un détail. Ibrahim Hassan hilare nous accueille à notre retour: "vos amis sont passés 1h après votre départ" nous dit-il. Stupeur! Je ne sais si c'est Sophie qui leur a vendu la mêche, ou si ils avaient chopé le nom au vol quand nous essayons de convaincre le taxi de démarrer...Bref Mr Hassan est ravi de nous apprendre que les UPKistes se sont débarassés du "paquet" et on même "exigé un reçu pour la livraison". Il nous confie ensuite qu'il a été glacial avec la grande envoyée spéciââle du Monde et qu'il lui a dit qu'elle "venait trop tard"...fin définitive de l'épisode. Le plus rigolo est d'imaginer Laurel et Hardy de retour à Mossoul en train d'expliquer comment ils se sont fait doubler par deux français en plein Kurdistan et que ceux ci se sont réfugiés au PDK :o)!!! D'après Roxane, vu l'incapicité génétique des Kurdes à reconnaître leurs torts, ils ne vont surement pas se dire que nous sommes partis par leur faute. La coupable pour eux est donc toute désignée..suivez mon regard!
Allez en route pour Erbil

dimanche, août 21, 2005

Une petite pause géographie

Je me rends compte qu'il est préférable d'avoir une carte du Kurdistan sous les yeux pour suivre ce voyage!

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Pas tout à fait clair? Il faut bien sur cliquer sur la carte pour l'avoir en grand format! Vous mériteriez d'être cadre à l'UPK tiens...en haut à gauche Silopi (dernière ville Turque), de l'autre côté Zakho. Descendez vers le sud vous avez Duhok/Dohuk/Dihok (personne n'est d'accord). Musil au sud c'est bien sur Mossoul. Tout en bas à droite Silemani est Suleymanye...vous voyez le trajet! Reprenez la route de Suleymanye à Erbil (Hewler) en passant près du lac Dukan. Au Nord d'Erbil la ville de Selahedin. Tournez à gauche à Seqlawa, à droite puis à gauche, et vous voila sur la route d'Amedi en passant par Barzan...mais j'anticipe!

Fuite à la Kurde! 15/08/2005

De retour à l'hôtel Roxane vérifie ses mails: informé de la situation un de ses contacts PDK (en vacances en Finlande!) a répondu dans l'heure: il nous donne un numéro de téléphone à appeller et nous conseille de partir en Taxi. Le problème reste la perte de notre papier, nécessaire pour repasser la frontière. Le lendemain matin alors qu'Amin donne l'ordre aux grooms de fourrer nos sacs dans la voiture, j'appelle ce numéro en catastrophe: Ibrahim Hassan, chef du bureau de relations publiques à Salahaddin parle anglais (ouf) et comprend vite la situation puisqu'il éclate de rire. Il semble aussi être au courant du quiproquo à la frontière turque. Il préconise également la fuite en taxi, promettant de nous faire récuperer nos papiers une fois le PDK rejoint. Il ne faut pas nous le dire deux fois: nous empoignons nos sacs imprudemment laissé dans le hall par les grooms, courons dans la rue et appellons un taxi. Sur nos talons Ahmed lui fait signe de passer son chemin, mais un autre répond à mon signe. Nous y jetons nos sacs et embarquons, demandant à être conduit à Salahaddin...Ahmed passe sa tête par la fenêtre du chauffeur et commence à l'engueuler en Kurde. Le chauffeur qui, manque de bol, ne semble pas avoir plus de 18 ans me regarde avec de grands yeux et ne semble pas trop savoir qui écouter. Il se défend tout de même quand Ahmed tente de lui prendre ses clés, mais me fait comprendre qu'il vient de le menacer! Ne t'effraie point lecteur, jamais nos "gardes du corps" n'ont élevé la voix et été menaçants envers nous, ils ont juste continuellement fait semblant de ne pas comprendre le problème. De plus, membre de l'UPK en zone PDK, ils n'ont pas d'armes. Amin arrive et s'en mêle prétendant nous conduire à...ZAKHO!!! Soit au point de départ, ce qui nous convainct de la nécessité de s'échapper. Sophie doit passer la frontière le lendemain matin, elle a donc du le convaincre de nous emmener la bas... Le chauffeur finit par m'écouter (il a compris le principe "eux UPK, nous amis PDK, ici zone PDK, no problem") et démarre d'un air préoccupé...de peur qu'il s'arrête 100m plus loin, je lui demande de nous conduire au poste de police ou bureau du PDK le plus proche...ce qu'il fait. Comme prévu les deux guignols ne nous ont pas suivi: ils ne peuvent pas prendre le risque d'une esclandre loin de leurs bases, ce que nous avions prévu. Ouf.

Le Taxi nous dépose devant un bâtiment gardé par un peshmerga. Celui-ci s'approche et je tente de lui expliquer le problème en anglais. A la mention "problem with PUK" son regard s'illumine et il éclate d'un bon rire! Nous savons que nos ennuis sont terminés. Je paie le taxi et lui sert chaleureusement la main: sans lui l'évasion capotait lamentablement!
Le garde empoigne son talkie walkie et appelle quelqu'un, pour nous conduire à l'intérieur croyons nous. Que nenni, c'est pour le relever à la garde, il se charge personnellement de nous escorter, ne voulant visiblement pas en perdre une miette. Nous arrivons dans une sale d'attente. Un peshmerga fouille les visiteurs, qui doivent déposer leurs flingues, portables et paquets de clope sur la table. Je demande si quelqu'un parle anglais ou turc. Coup de bol un jeune soldat parle turc et nous demande ce que nous voulons. Une fois informé il part d'un gros rire (décidemment), et traduit illico en kurde pour l'assistance (re gros rire, etc). En attendant qu'un anglophone vienne nous renconter, je lui demande d'ou il vient en Turquie, reniflant le transfuge du PKK. Mal à l'aise, il prétend être d'Erbil et avoir appris le turc "comme ca, c'est facile"...mouais, je n'insiste pas! Il est de notoriété publique que beaucoup de jeunes PKK fatigués de l'ambiance de secte du parti et du lavage de cerveau quotidien se sont mis sous la protection de l'UPK ou du PDK, dans l'impossibilité de retourner dans leur famille (la désertion est punie de mort dans ce beau parti.

Un officiel en costume arrive. Il fait son important et est de prime abord peu aimable. Il me demande si je sais que nous sommes au ministère de l'intérieur. Première info! Informé du problème, il me demande si je pense que le ministère de l'intérieur du gouvernement kurde est là pour régler les problèmes des étrangers...une fois que j'arrive à placer un mot, je lui explique que pas du tout cher monsieur, notre but et d'aller à Salahaddin où nous avons des amis, que nous ne sommes ici que parce que notre chauffeur de taxi avait peur de l'UPK et a préféré nous déposer au batiment PDK le plus proche. Il se déride enfin et devient très aimable: la tronche officielle ne dure jamais longtemps chez les Kurdes, et le comique de la situation suffit à le convaincre que nous nous venons pas abuser de son temps volontairement. Il nous fait nous asseoir et convoque une escorte pour nous accompagner à Salahaddin...entre temps l'ensemble des soldats et officiers présents nous fait de grands sourire, nous tend des clopes, etc: retour à la normale, bienvenue au Kurdistan! Les choses sérieuses commencent!

UPK et cage dorée.... 14/08/2005

Après notre baignade nous reprenons la route de Duhok ou nous attend Sophie, représentante du Monde en Turquie. Nous devons nous rendre à Amedi, mais le programme change vite. Parlant Arabe Sophie a un avantage sur nous (ils ne parlent pas anglais), et nous présente (nous le saurons plus tard) comme ses assistants. Elle devient donc aux yeux des Kurdes le chef du groupe...Les deux chauffeurs Ahmed et Amin, qui devaient pourtant nous emmener où nous voulions décident de ne plus aller à Amedi (1h30) mais à Suleymanye à l'autre bout du Kurdistan (4h qui en seront 6) à la demande de Sophie. Trop fatigués. pour riposter nous nous engouffrons dans le 4x4. Voyage éprouvant: les deux kurdes parlent horriblement fort, et celà empire quand Amin se lance dans une grande discussion en arabe avec Sophie. Au bout de 6h j'ai un mal de crâne terrible, amplifié par des tours et de détours dans Suleymanye, au cours de laquel les deux guignols égrennent des numéros de téléphone avec une inefficacité désarmante. Il leur faudra une heure pour retrouver une autre voiture qui nous guidera vers l'hotel, le temps de s'embourber sur une route en travaux. De très mauvaise humeur nous intégrons notre chambre...

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Nos preneurs d'otage! Ahmed et Amin, et le Toyota Landcruiser climatisé ;o)

Les choses empirent au réveil: prenant très à coeur son rôle de leader auto-proclamé, Sophie devient désagréable quand nous renaclons à aller assister avec elle à une manif de femmes kurdes pro-constitution: étant ses assistants nous sommes censés la suivre partout n'est ce pas? Ce qu'elle ne veut pas comprendre c'est que nous ne nous sommes jamais présentés comme tels et que nous n'avons aucune intention de suivre son programme. A propose de programme, il paraît bon de préciser que sa principale ambition en Irak est de rencontrer...le PKK. On a eu beau lui répéter que leur camp au nord de Suleymanye sert principalement de vitrine pour les journalistes, que ce genre de reportage a été fait 20 fois, et qu'elle peut avoir le même discours à Diyarbakir, Bruxelles, Paris, elle n'en démord pas. Mise en garde, elle en fait pourtant plusieurs fois la demande aux kurdes d'Irak, sans visiblement comprendre qu'entretenant des relations diplomatiques avec la Turquie ceux ci peuvent difficilement servir d'agent de presse au PKK...elle est bien sur éconduite! Elle a en fait commencé à être désagréable quand elle a compris que Roxane ne la ferait pas profiter des ses contacts PKK. Après une interview longuissime avec un sous fifre de l'UPK ans le salon d'un grand hotel, probablement inintéressante vu qu'elle n'a pas été publiée, nous reprenons enfin (nous le croyons) la route d'Amedi. Entre temps Roxane qui enrage de perdre son temps dans une ville sans le moindre intérêt historique a commencé à péter les plombs...le clash éclate dans la voiture, et je ne m'attarderai pas sur les noms d'oiseaux échangés...l'ambiance est tendue. Arrêt près du Lac Dukan pour quelques photos...à 17h nous avons déja perdu 24h sur 5 jours prévus au Kurdistan!!!!

Arrivés au croisement, le chauffeur prétexte d'une route en travaux pour ne pas aller à Salhaddin, et il prend la route d'Erbil. La situation devient claire: débordés par les demandes contradictoires, les deux geoliers ne savent plus trop quoi faire et évitent à tout prix de nous faire voir les zones PDK. A Erbil nous parvenons à grand peine à prendre quelques photos de la citadelle (en fait une ville fortifiée et habitée) et quelques dizaines de portraits d'enfants (à paraître!). En 2 jours c'est la première fois que nous voyons vraiment les Kurdes...ce pour quoi nous sommes venus à la base!. Visiblement mal à l'aise dans cette ville PDK, Amin nous suit d'un air désespéré, avant de nous enjoindre de retourner à la voiture. Gros progrès nous parvenons à changer nos euros (1000 dinards = 1,78 euros) dans une petite échoppe: c'est la première fois que nous touchons de l'argent irakien, ce qui n'a pas l'air de plaire au moustachu. Nous avons compris le principe: le 4x4 et les hotels tout frais payés c'est une bonne manière de nous rendre dépendants. Billets en poche nous sommes maintenant capables de nous débrouiler seuls.

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Alors que nous visitons un hôtel non loin de la citadelle (tenu par un turkmène, ce qui aide beaucoup pour communiquer!), Ahmed revient nous chercher d'un air préoccupé: ils ont du avoir une discussion dans la voiture puisqu'ils n'ont plus du tout l'intention de nous laisser sans surveillance. Nous devons les suivre pour un hôtel UPK qu'ils mettront encore une fois une heure à trouver. Si vous vous demandez pourquoi on ne prend pas nos cliques et nos claques, c'est bien simple: nos sacs sont dans la voiture, et il est impossible de les récupérer sans un vrai clash...un plan se met en place: lever 6h et fuite à l'anglaise...curieusement ils ont l'air de comprendre ce que nous complotons puisqu'au moment de rejoindre notre chambre, ils décretent soudain que nous devons aller nous enregister auprès de la police de la ville...ici les papiers qui nous avaient été donnés à la frontière sont "confisqués", nous les récupérerons demain disent-ils. Il est vraiment clair que nous sommes "pris en otages" et qu'ils n'ont aucune intention de nous laisser nous débrouiller seuls. J'ignore quels sont leurs ordres mais il est évident que nous ne verrons jamais Amedi ou Salahaddin, en zone PDK. L'UPK croyait peut être réussir un "coup" en escamotant des amis du PDK et en l'empêchant de les renconter. Pour Sophie pas du tout, l'escorte a été mise à SA disposition et nous nous comportons de manière inqualifiable et risquons de compromettre ses bons rapports avec l'UPK. En gros elle est déja bien gentille de nous laisser en profiter...Vu les regards noirs que lui jetait Amin à Suleymanye et sa confidence "Me very tired of Sophie" du matin, je pense que le mal est déja fait...la suite prouvera que nous n'avons pas tort!




vendredi, août 19, 2005

Rockin' in Mossoul 13/08/2005

Je n’ai que peu de temps de profiter de la chambre qui sera la plus luxueuse du séjour. 3h de sommeil c’est rude, mais le mot « Mossoul » « Mossoul » qui clignote dans ma tête m’empêche d’être trop dans les vapes ! Levés à 6h, nous partons retrouver Zebari. Il habite une petite ferme au milieu de nulle part, gardées par quelques Peshmergas. Après une heure de poireautage il émerge enfin de son bureau, en nous informant que la situation à Mossoul est « instable » et nous demande si nous sommes toujours d’accord. Roxane l’est. Pour moi le plus dur est passé puisque j’ai réussi à me lever, et j’acquiesce. Après un frugal petit-déj (vrai miel sorti de la ruche…), nous partons avec notre escorte : on est loin du fantasme, des 4x4 blindés plein de peshmergas armés jusqu’aux dents. L’escorte est composée de 3 voitures banalisées, et les peshmergas enfilent une tenue civile. Roxane se voit affublée d’un voile, je suis sommé de retirer mes lunettes de soleil (comme ça si les arabes attaque je ne vois rien ?) à l’entrée de la ville. Je suis seul dans une voiture avec deux gaillards armés, Roxane et Zébari dans une autre pour ne pas « concentrer les risques ». La route de Duhok à Mossoul est « sécurisée », tenue par les Peshmergas. Des tranchées sont creusées des deux côtés pour empêcher les voitures de couper à travers champs pour entrer en fraude au Kurdistan : brillante idée, puisque les Kurdes nous disent avoir chopé plus d’une voiture de Kamikazes dans le fossé. Ils sont peu équivoques sur le sort réservé à ces fous furieux : abattus sans remords. Selon Zebari les Kamikazes sont à 99% des arabes non-irakiens qui veulent venir se faire péter dans les villes kurdes pour la plus grande gloire de dieu : les check-points nombreux et efficaces semblent faire leurs effets puisque jusque là seuls deux attentats ont eu lieu à Erbil, œuvre des islamistes Kurdes, ennemis de l’intérieur donc.

A l’arrivée à Mossoul, la voiture accélère pied au plancher pour passer le moins de temps possible en zone à risque. Mon gentil chauffeur père de famille qui m'a montré la photo de ses gniards pose empoigne son Glock (flingue tchèque me semble-t-il) et le pose sur le volant...



Nous rentrons dans le quartier Kurde sécurisé dans un crissement de pneus.

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Ici une vingtaine de Peshmergas nous accueille et nous fait entrer dans la base de l’UPK.

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Roxane à la bonne idée de choisir ce moment pour faire un malaise (chaleur + fatigue + pas assez mangé + Malboro), et les gardes se pressent pour l’emmener à l’ombre se reposer. On me montre un trou dans le sol, et on me mime le geste d’une grenade balancée par-dessus un mur…deux jours plus tôt les Zarquaouistes ont attaqués : 0 victimes coté kurde, 2 kamikazes syriens et Abu Zubeir (ortographe approximative) le bras droit de Zarkaoui abbatus ! Evidemment la grenade devant la porte ça fait mauvais genre, mais bon je pense que cette branlée a calmé les ardeurs des fous d’Allah. Un coup de fil dans la journée fait hurler de rire les Kurdes : c’est la direction de l’UPK à Suleymanye qui appelle pour savoir…si la voiture de Abu Zubeir est récupérable !! Comme dirait l’autre, faut pas gâcher.

La base de l’UPK n’a rien de reluisant. Le bureau de Zebari est spacieux et le défilé de visiteur est continu : Civils venus chercher les ordres, militaires au rapport, chefs de tribu arabe venu négocier leur collaboration. Zebari nous dit négocier uniquement avec les tribus non impliqué dans les actes terroristes.

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Il est vrai que Karg Ahmed Sheikh, de la tribu Al Dulein, a une bonne tête (critère pertinent dans cette zone je trouve), dit bonjour à la dame et m’offre des clopes. La stratégie est fine en tous cas: utiliser l'influence tribal pour détourner les sunnites du terrorisme et résoudre la crise. Les Kurdes la jouent peut être plus subtiles que les américains. Que je n'ai toujours pas vu d'ailleurs, à part 2 chars passant à grande vitesse sur la route principale...

(à suivre)(je vais au ciné la)

Bon bah Charlie et la Chocolaterie c'était pas terrible.

Un batiment est convertit en studio de radio: Radio PUK FM, qui émet sur Mossoul. Gayas Surchy, principal journaliste, est le gailard qui conduisait ma voiture ce matin, flingue à la main pour tenir le volant!

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Une discussion s'engage dans le bureau de Zebari: Roxane pose les questions et je traduits. Il ressort que les Américains ont demandé aux Peshmergas de venir assurer la sécurité à Mossoul: 3000 hommes de l'UPK et 5000 du PDK tiennent la ville et semblent renconter un beau succès. Le conseil de gouvernement de Mossoul est tenu par les Kurdes, avec 31 membres sur 41. Il est vrai que les sunnites ont suivi les consignes d'abstention, et que les Turkmènes ont fait preuve d'un terrible manque de patriotisme en ne votant pas pour les Néo Fascistes du Front Turkmène Irakien créé par Ankara. Comme a dit Mehmet Ali Birand (éditorialiste du Turkish Daily News) pour expliquer ce fiasco "quand on a des militants qui font le signe des loups gris à chaque meeting, il ne faut pas s'étonner de faire un bide". Il l'a dit en mauvais anglais, mais ca rendait à peu près ca! Le gouvernement municipam a établi plusieurs équipes, attribuées à des domaines précis et censer régler les problèmes des gens. Dans une perspective plus générale, les propisitions des Kurdes pour la constitution sont intéressantes: notamment cette idée de rente pétrolière versée par les gouvernement régionnaux aux habitants: chaque régions disposerait des revenus du pétrole à raison de 65% pour la région, 5% pour la population, 35% pour le gouvernement central. Evidemment les Sunnites ne sont pas près à lacher les revenues du pétrole au Kurde, pas plus qu'à accorder un statut fédéral.

On s'attarde peu à Mossoul, puisque nous sommes censés partir pour Amidye (Amedi), ville du Badinan conseillée par tout le monde. Le temps de prendre un thé dans le QG des Peshmergas (trop sucré le thé, mais encore une fois dans une pièce pleine d'AK-47 quand on te tend un thé
tu dis merci et tu le bois).

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Avouons que les soldats kurdes sont une espèce à part: quand on veut les prendre en photo ils ne disent pas "c'est interdit", ils demandent de patienter un instant le temps de reboutonner leur uniforme, se recoiffer la moustache et de prendre un air viril.

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Par rapport au trouffion turc moyen, ils ont aussi une tendance naturelle à l'éclat de rire et à la gentillesse désarmante. Témoin ce petit jeune de 18 ans en uniforme qui me prend par la main pour m'emmener quand je demande où sont les toilettes. Les grands sourires aux check points, les petits signes de main, les blagues contribuent nous faire sentir en sécurité (pour passer tous ces contrôles faut vraiment le vouloir) et pas franchement aggresser. A côté des contrôles militaires dans le Kurdistan Turc (il y en a de moins en moins), on en est presque à être content de se faire arrêter!

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Le retour de Mossoul est sans histoires. Une petite tout de même: un pont sur le Tigre marque la frontière entre la zone administrée par les Kurdes et le reste de l'Irak. Au contrôle nous demandons à sortir de la voiture pour prendre des photos du pont en métal et du panneau (les américains rendant hommage au courage des peshmergas).

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Du pont d'origine il ne reste que les pilliers, autour desquels se baignent quelques gamins. 10 minutes après je nage dans le Tigre à l'effarement des baigneurs. Certes j'ai pas la classe avec mon caleçon trop grand (j'ai du maigrir à Hassankeyf) que je dois retenir d'un main pour crawler comme un manchot à contre courant, mais la sensation est délicieuse: eau fraîche (25°), grand soleil, et je me baigne au Kurdistan. Les deux peshmergas qui nous escortaient regardent Roxane (frustrée de ne pas être un mec!) comme pour lui demander l'autorisation. En deux minutes les mitraillettes sont posées sur le sol et les deux soldats barbotent en tentant de se couler mutuellement...sorti de l'eau je suis sec avant d'avoir enfilé mon pantalon...

Fin d'une sacrée journée: les ennuis commencent maintenant

Première soirée 12/08/2005

Au bureau de relations publiques du gouvernement kurde, nous retrouvons le PDK qui nous avait appellé. Il nous dit que nous allons être pris en charge et amenés à Zakho (Zac’ho) où « les gens de Mossoul » nous attendent. Un petit rappel historique tout d’abord : le Kurdistan Irakien, qui échappe Allah merci au contrôle de Bagdad est divisé en deux administrations : l’une PDK (parti démocratique du Kurdistan), dont le chef est Massoud Barzani, actuel président du gouvernement régional Kurde (GRK) et fils de Mollah Mustafa Barzani, qui a commencé la résistance kurde dès la fin des années 20 contre la monarchie et les anglais. L’autre UPK (Union Patriotique du Kurdistan), dirigée par Jalal Talabani, actuel président de l’Irak, ancien jeune espoir du PDK qui a fondé son propre parti quand Mustafa Barzani a appelé à déposer les armes. Les deux partis ont alterné déchirements et alliances, l’un jouant le PKK contre l’autre et inversement, Saddam faisant de même de son coté : une guerre éclate en 1992 sur une question de partage de pouvoir et dure jusqu’en 1997. Guerre fratricide, au cours de laquelle on verra Massoud Barzani faire appel à Saddam pour chasser Talabani d’Erbil…la paix a été faite sous la pression des Américains, mais si le Kurdistan est en paix et qu’on circule sans problème d’une zone à l’autre, les rivalités larvées sont importantes : elles vont nous pourrir la vie pendant près de deux jours.

Mais j’anticipe, car l’accueil est tout de même très aimable : le chauffeur Ahmed nous fait monter dans un 4x4 Toyota Landcruiser et nous prenons la route de Zakho puis de Duhok. Pour vous mettre dans l’ambiance je signale que j’ai un joli AK-47 nacré blanc à mes pieds. Par rapport à l’ambiance de fin du monde du Kurdistan turc, le contraste est saisissant. Ici les rues sont propres, asphaltées de frais, les bâtiments sont flambants neufs, il y a de la verdure partout, et des arbres sur les collines vu que l’armée turque n’a pas pu continuer à déboiser au napalm au-delà des frontières inviolables de sa république. Première étape au pont de Zakho, qui m’a l’air bien vieux. Eh oui, pas de Lonely Planet pour l’Irak, les monuments que nous allons découvrir ne sont pas référencés et nous n’avons aucune information autre que celles que veulent bien nous donner les locaux. Le pont s’appelle Delal, du nom de son architecte…

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Après quelques recherches sur Internet: le pont est dit Roman, Grec, Séleucide, puis batti sur des ruines par les rois du Badinan. Bref je ne suis pas plus avancé. Un nationaliste Assyrien prétend bien sur qu'il a été construit sous l'empire assyrien...bref!
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La route de Zakho à Duhok est plaisante, et nous faisons étape dans une cafétéria-supermarché-par-d’attraction après un premier contrôle check-point. Sans vouloir dire du mal des autorités turques, je vais décrire un contrôle au Kurdistan (bon quand on est pas arabe et qu’on a rien à se reprocher bien sur). Le Peshmerga passe la tête par la fenêtre, voit deux occidentaux lui dire « roj baş » (bonjour) pendant que le chauffeur lui explique qui on est. Grands yeux ronds, puis sourire radieux et dents blanches. Le soldat nous fait descendre de la voiture pour que nous allions nous identifier au bureau. En fait surtout pour nous examiner de pieds en cap et nous montrer aux autres gars. Au poste nous donnons…nos prénoms ainsi que celui de nos pères. Je suis sur que mon papa sera content de savoir qu’il est fiché dans tout le Kurdistan. Thomas, fils de Pierre, écrit en phonétique en alphabet arabe (employé par les Kurdes d’Irak et d’Iran) çà suffit comme info.

Au café un homme dans sa quarantaine, corpulent et moustachu nous accueille dans un anglais impeccable. Il s’agit d’Abdul Bari Al Zebari, chef de l’UPK à Mossoul. Hein ??? UPK ??? Il doit y avoir un malentendu. Non non assure-t-il, tout a été organisé pour nous, par le bureau d’Ankara. Nous avons une voiture à notre disposition pour nous balader ou nous voulons au Kurdistan. Pour les paranos de la prise d’otage, je précise que ces choses là se passent au Sud dans les zones arabes, pas au Nord. Nous sommes donc conduit à Duhok où nos sacs sont déposés dans un hôtel. Zebari nous conduit ensuite dans une ancienne base militaire de Saddam reconvertie en par d’attraction : grande roue, auto tamponneuse, jeux vidéos, petits couples qui se baladent main dans la main, pop corn…la reconversion de symboles de l’ancien régime est un moyen d’exorciser les démons.

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Dans plusieurs autres villes les « palais de Saddam » (en fait des forts très laids), sièges de la police secrète et autres bases sont transformées en supermarchés, parcs d’attraction, collèges, universités, écoles. La croissance doit être spectaculaire, puisque le revenu moyen par habitant atteint déjà les 300 euros, en augmentation constante. L’argent du pétrole permet au GRK de recruter les jeunes comme peshmergas, ce qui contribue à la sécurité de la zone.

Dîner au « cercle des avocats » de Duhok. Cour intérieur avec moquette pelouse synthétique ( ???), petite musique, ambiance feutrée. Zebari nous dit avoir réuni des amis pour nous faire sentir « chez nous ». C’est réussi et l’ambiance est franchement chaleureuse. On rigole doucement quand même quand il part dans une diatribe (modérée tout de même) contre le népotisme du PDK : nous sommes entourés de cadres civils et militaires de l’UPK qui sont tous frères, cousins, neveux ! L’attribution des postes à responsabilités aux cercle clanique est de toutes façons une garantie : en plus de 30 ans de résistance à Saddam, Barzani et Talabani n’ont pas été assassinés. Nous sommes abreuvés d’Heineken, gavés de cigarette (je suis non fumeur mais quand un général des peshmergas te tend une clope tu dis merci monsieur). Zebari nous parle longuement de la situation de Mossoul, puis, devant mes questions précises et intéressées, nous propose de nous y emmener le lendemain. Autant je sais que la zone kurde à proprement parler est sans risque, autant Mossoul….C’est d’accord, Zebari nous dit assurer notre sécurité « jusqu’à un certain niveau » (sous entendu si ils bombardent au Napalm je n’y peux rien). Nous sommes reconduits à l’hôtel à 2h du matin (au fait Irak = 2h de décalage avec la France) avec promesse d’être prêts au garde à vous à 7h…dur ! Ahmet, le chauffeur depuis Zakho dort sur le canapé.

En route vers....l'Irak!!! 12/08/2005

Le trajet vers la frontière irakienne est une galère sans nom! Partis en retard d'Hassankeyf, nous devons faire étape à Midyat, ancienne ville chrétienne largement kurdisée mais où subsiste une communauté assyrienne. J'ai le temps de visiter l'église, guidé par une troupe de gamins crasseux et speedés.

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Après une bonne heure d'attente on grimpe dans un dolmus pour Idil, au nord de Silopi. Le bled, atteint à la nuit noire est peu engageant: des gamins font brûler du plastique, un vent d'orage balaie les rues défoncées...et plus de Dolmus pour Cizre! Heureusement un taxi collectif s'organise et nous atteignons Cizre en pleine tempête de sable vers 21h. Ville frontière, Cizre n'a rien a offrir, si ce n'est une pseudo "tombe de Noé" et un mausolée de Mem et Zin (Roméo et Juliette à la Kurde). L'hotel est propre et climatisé, et offre une étape bienvenue avant de se lancer à l'assaut de la frontière le lendemain. Au matin on nous propose un taxi gratuit pour "l'autre côté": pas par bonté d'âme, mais pour légitimiser un petit traffic de pétrole...le prix est en fait bien lourd: mes fringues puent l'essence pour le reste du voyage! La route de Cizre au poste frontière d'Ibrahim Qalil est un cauchemard: écrasée de chaleur, saturée de poussière et d'odeur d'essence, encombrée par les centaines de camions en file indienne qui attendent leur tour. Dernière ville turque, Silopi est un amas de maisons misérables alignées le long de la route, et la profession principale semble être réparateur de camion. Crasse, odeur d'essence, chaleur. Un chauffeur kurde rencontré une semaine plus tard m'a parlé de 5 à 6 jours d'attente en général.

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Je ne m'attarderai pas sur les horreurs de l'administration turque et sur les 3 heures d'attente dans une salle climatisée remplie de Kurdes blasés, les différents bureaux à visiter, la morgue et le racisme des policiers turcs. Notons tout de même le nombre important de Kurdes revenant d'Europe pour passer leurs vacances au pays! On nous appelle du côté kurde, un contact de Roxane à priori, qui me parle en Turc et dit être du PDK. Normal jusque là.
Quand on passe enfin de l'autre côté, tout change. Les policiers, soldats, douaniers, ont tous sourire jusqu'aux oreilles en nous voyant arriver, les "welcome to Kurdistan" sont surréalistes, surtout que le drapeau flotte partout. Nous sommes conduits au bureau de relations publiques, où nous retrouvons notre contact...Nous voilà au Kurdistan !

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