Rockin' in Mossoul 13/08/2005
Je n’ai que peu de temps de profiter de la chambre qui sera la plus luxueuse du séjour. 3h de sommeil c’est rude, mais le mot « Mossoul » « Mossoul » qui clignote dans ma tête m’empêche d’être trop dans les vapes ! Levés à 6h, nous partons retrouver Zebari. Il habite une petite ferme au milieu de nulle part, gardées par quelques Peshmergas. Après une heure de poireautage il émerge enfin de son bureau, en nous informant que la situation à Mossoul est « instable » et nous demande si nous sommes toujours d’accord. Roxane l’est. Pour moi le plus dur est passé puisque j’ai réussi à me lever, et j’acquiesce. Après un frugal petit-déj (vrai miel sorti de la ruche…), nous partons avec notre escorte : on est loin du fantasme, des 4x4 blindés plein de peshmergas armés jusqu’aux dents. L’escorte est composée de 3 voitures banalisées, et les peshmergas enfilent une tenue civile. Roxane se voit affublée d’un voile, je suis sommé de retirer mes lunettes de soleil (comme ça si les arabes attaque je ne vois rien ?) à l’entrée de la ville. Je suis seul dans une voiture avec deux gaillards armés, Roxane et Zébari dans une autre pour ne pas « concentrer les risques ». La route de Duhok à Mossoul est « sécurisée », tenue par les Peshmergas. Des tranchées sont creusées des deux côtés pour empêcher les voitures de couper à travers champs pour entrer en fraude au Kurdistan : brillante idée, puisque les Kurdes nous disent avoir chopé plus d’une voiture de Kamikazes dans le fossé. Ils sont peu équivoques sur le sort réservé à ces fous furieux : abattus sans remords. Selon Zebari les Kamikazes sont à 99% des arabes non-irakiens qui veulent venir se faire péter dans les villes kurdes pour la plus grande gloire de dieu : les check-points nombreux et efficaces semblent faire leurs effets puisque jusque là seuls deux attentats ont eu lieu à Erbil, œuvre des islamistes Kurdes, ennemis de l’intérieur donc.
A l’arrivée à Mossoul, la voiture accélère pied au plancher pour passer le moins de temps possible en zone à risque. Mon gentil chauffeur père de famille qui m'a montré la photo de ses gniards pose empoigne son Glock (flingue tchèque me semble-t-il) et le pose sur le volant...
Nous rentrons dans le quartier Kurde sécurisé dans un crissement de pneus.
Ici une vingtaine de Peshmergas nous accueille et nous fait entrer dans la base de l’UPK.
Roxane à la bonne idée de choisir ce moment pour faire un malaise (chaleur + fatigue + pas assez mangé + Malboro), et les gardes se pressent pour l’emmener à l’ombre se reposer. On me montre un trou dans le sol, et on me mime le geste d’une grenade balancée par-dessus un mur…deux jours plus tôt les Zarquaouistes ont attaqués : 0 victimes coté kurde, 2 kamikazes syriens et Abu Zubeir (ortographe approximative) le bras droit de Zarkaoui abbatus ! Evidemment la grenade devant la porte ça fait mauvais genre, mais bon je pense que cette branlée a calmé les ardeurs des fous d’Allah. Un coup de fil dans la journée fait hurler de rire les Kurdes : c’est la direction de l’UPK à Suleymanye qui appelle pour savoir…si la voiture de Abu Zubeir est récupérable !! Comme dirait l’autre, faut pas gâcher.
Il est vrai que Karg Ahmed Sheikh, de la tribu Al Dulein, a une bonne tête (critère pertinent dans cette zone je trouve), dit bonjour à la dame et m’offre des clopes. La stratégie est fine en tous cas: utiliser l'influence tribal pour détourner les sunnites du terrorisme et résoudre la crise. Les Kurdes la jouent peut être plus subtiles que les américains. Que je n'ai toujours pas vu d'ailleurs, à part 2 chars passant à grande vitesse sur la route principale...
(à suivre)(je vais au ciné la)
Bon bah Charlie et la Chocolaterie c'était pas terrible.
Un batiment est convertit en studio de radio: Radio PUK FM, qui émet sur Mossoul. Gayas Surchy, principal journaliste, est le gailard qui conduisait ma voiture ce matin, flingue à la main pour tenir le volant!
Une discussion s'engage dans le bureau de Zebari: Roxane pose les questions et je traduits. Il ressort que les Américains ont demandé aux Peshmergas de venir assurer la sécurité à Mossoul: 3000 hommes de l'UPK et 5000 du PDK tiennent la ville et semblent renconter un beau succès. Le conseil de gouvernement de Mossoul est tenu par les Kurdes, avec 31 membres sur 41. Il est vrai que les sunnites ont suivi les consignes d'abstention, et que les Turkmènes ont fait preuve d'un terrible manque de patriotisme en ne votant pas pour les Néo Fascistes du Front Turkmène Irakien créé par Ankara. Comme a dit Mehmet Ali Birand (éditorialiste du Turkish Daily News) pour expliquer ce fiasco "quand on a des militants qui font le signe des loups gris à chaque meeting, il ne faut pas s'étonner de faire un bide". Il l'a dit en mauvais anglais, mais ca rendait à peu près ca! Le gouvernement municipam a établi plusieurs équipes, attribuées à des domaines précis et censer régler les problèmes des gens. Dans une perspective plus générale, les propisitions des Kurdes pour la constitution sont intéressantes: notamment cette idée de rente pétrolière versée par les gouvernement régionnaux aux habitants: chaque régions disposerait des revenus du pétrole à raison de 65% pour la région, 5% pour la population, 35% pour le gouvernement central. Evidemment les Sunnites ne sont pas près à lacher les revenues du pétrole au Kurde, pas plus qu'à accorder un statut fédéral.
On s'attarde peu à Mossoul, puisque nous sommes censés partir pour Amidye (Amedi), ville du Badinan conseillée par tout le monde. Le temps de prendre un thé dans le QG des Peshmergas (trop sucré le thé, mais encore une fois dans une pièce pleine d'AK-47 quand on te tend un thé
tu dis merci et tu le bois).
Avouons que les soldats kurdes sont une espèce à part: quand on veut les prendre en photo ils ne disent pas "c'est interdit", ils demandent de patienter un instant le temps de reboutonner leur uniforme, se recoiffer la moustache et de prendre un air viril.
Par rapport au trouffion turc moyen, ils ont aussi une tendance naturelle à l'éclat de rire et à la gentillesse désarmante. Témoin ce petit jeune de 18 ans en uniforme qui me prend par la main pour m'emmener quand je demande où sont les toilettes. Les grands sourires aux check points, les petits signes de main, les blagues contribuent nous faire sentir en sécurité (pour passer tous ces contrôles faut vraiment le vouloir) et pas franchement aggresser. A côté des contrôles militaires dans le Kurdistan Turc (il y en a de moins en moins), on en est presque à être content de se faire arrêter!
Le retour de Mossoul est sans histoires. Une petite tout de même: un pont sur le Tigre marque la frontière entre la zone administrée par les Kurdes et le reste de l'Irak. Au contrôle nous demandons à sortir de la voiture pour prendre des photos du pont en métal et du panneau (les américains rendant hommage au courage des peshmergas).
Du pont d'origine il ne reste que les pilliers, autour desquels se baignent quelques gamins. 10 minutes après je nage dans le Tigre à l'effarement des baigneurs. Certes j'ai pas la classe avec mon caleçon trop grand (j'ai du maigrir à Hassankeyf) que je dois retenir d'un main pour crawler comme un manchot à contre courant, mais la sensation est délicieuse: eau fraîche (25°), grand soleil, et je me baigne au Kurdistan. Les deux peshmergas qui nous escortaient regardent Roxane (frustrée de ne pas être un mec!) comme pour lui demander l'autorisation. En deux minutes les mitraillettes sont posées sur le sol et les deux soldats barbotent en tentant de se couler mutuellement...sorti de l'eau je suis sec avant d'avoir enfilé mon pantalon...
Fin d'une sacrée journée: les ennuis commencent maintenant
4 commentaires:
Bonjour le cliffhanger !
Amêdî est une petite ville superbe...
thomas tu est trop beau
Ma copine sera ravie de l'apprendre ;)
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