vendredi, août 19, 2005

Première soirée 12/08/2005

Au bureau de relations publiques du gouvernement kurde, nous retrouvons le PDK qui nous avait appellé. Il nous dit que nous allons être pris en charge et amenés à Zakho (Zac’ho) où « les gens de Mossoul » nous attendent. Un petit rappel historique tout d’abord : le Kurdistan Irakien, qui échappe Allah merci au contrôle de Bagdad est divisé en deux administrations : l’une PDK (parti démocratique du Kurdistan), dont le chef est Massoud Barzani, actuel président du gouvernement régional Kurde (GRK) et fils de Mollah Mustafa Barzani, qui a commencé la résistance kurde dès la fin des années 20 contre la monarchie et les anglais. L’autre UPK (Union Patriotique du Kurdistan), dirigée par Jalal Talabani, actuel président de l’Irak, ancien jeune espoir du PDK qui a fondé son propre parti quand Mustafa Barzani a appelé à déposer les armes. Les deux partis ont alterné déchirements et alliances, l’un jouant le PKK contre l’autre et inversement, Saddam faisant de même de son coté : une guerre éclate en 1992 sur une question de partage de pouvoir et dure jusqu’en 1997. Guerre fratricide, au cours de laquelle on verra Massoud Barzani faire appel à Saddam pour chasser Talabani d’Erbil…la paix a été faite sous la pression des Américains, mais si le Kurdistan est en paix et qu’on circule sans problème d’une zone à l’autre, les rivalités larvées sont importantes : elles vont nous pourrir la vie pendant près de deux jours.

Mais j’anticipe, car l’accueil est tout de même très aimable : le chauffeur Ahmed nous fait monter dans un 4x4 Toyota Landcruiser et nous prenons la route de Zakho puis de Duhok. Pour vous mettre dans l’ambiance je signale que j’ai un joli AK-47 nacré blanc à mes pieds. Par rapport à l’ambiance de fin du monde du Kurdistan turc, le contraste est saisissant. Ici les rues sont propres, asphaltées de frais, les bâtiments sont flambants neufs, il y a de la verdure partout, et des arbres sur les collines vu que l’armée turque n’a pas pu continuer à déboiser au napalm au-delà des frontières inviolables de sa république. Première étape au pont de Zakho, qui m’a l’air bien vieux. Eh oui, pas de Lonely Planet pour l’Irak, les monuments que nous allons découvrir ne sont pas référencés et nous n’avons aucune information autre que celles que veulent bien nous donner les locaux. Le pont s’appelle Delal, du nom de son architecte…

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Après quelques recherches sur Internet: le pont est dit Roman, Grec, Séleucide, puis batti sur des ruines par les rois du Badinan. Bref je ne suis pas plus avancé. Un nationaliste Assyrien prétend bien sur qu'il a été construit sous l'empire assyrien...bref!
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La route de Zakho à Duhok est plaisante, et nous faisons étape dans une cafétéria-supermarché-par-d’attraction après un premier contrôle check-point. Sans vouloir dire du mal des autorités turques, je vais décrire un contrôle au Kurdistan (bon quand on est pas arabe et qu’on a rien à se reprocher bien sur). Le Peshmerga passe la tête par la fenêtre, voit deux occidentaux lui dire « roj baş » (bonjour) pendant que le chauffeur lui explique qui on est. Grands yeux ronds, puis sourire radieux et dents blanches. Le soldat nous fait descendre de la voiture pour que nous allions nous identifier au bureau. En fait surtout pour nous examiner de pieds en cap et nous montrer aux autres gars. Au poste nous donnons…nos prénoms ainsi que celui de nos pères. Je suis sur que mon papa sera content de savoir qu’il est fiché dans tout le Kurdistan. Thomas, fils de Pierre, écrit en phonétique en alphabet arabe (employé par les Kurdes d’Irak et d’Iran) çà suffit comme info.

Au café un homme dans sa quarantaine, corpulent et moustachu nous accueille dans un anglais impeccable. Il s’agit d’Abdul Bari Al Zebari, chef de l’UPK à Mossoul. Hein ??? UPK ??? Il doit y avoir un malentendu. Non non assure-t-il, tout a été organisé pour nous, par le bureau d’Ankara. Nous avons une voiture à notre disposition pour nous balader ou nous voulons au Kurdistan. Pour les paranos de la prise d’otage, je précise que ces choses là se passent au Sud dans les zones arabes, pas au Nord. Nous sommes donc conduit à Duhok où nos sacs sont déposés dans un hôtel. Zebari nous conduit ensuite dans une ancienne base militaire de Saddam reconvertie en par d’attraction : grande roue, auto tamponneuse, jeux vidéos, petits couples qui se baladent main dans la main, pop corn…la reconversion de symboles de l’ancien régime est un moyen d’exorciser les démons.

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Dans plusieurs autres villes les « palais de Saddam » (en fait des forts très laids), sièges de la police secrète et autres bases sont transformées en supermarchés, parcs d’attraction, collèges, universités, écoles. La croissance doit être spectaculaire, puisque le revenu moyen par habitant atteint déjà les 300 euros, en augmentation constante. L’argent du pétrole permet au GRK de recruter les jeunes comme peshmergas, ce qui contribue à la sécurité de la zone.

Dîner au « cercle des avocats » de Duhok. Cour intérieur avec moquette pelouse synthétique ( ???), petite musique, ambiance feutrée. Zebari nous dit avoir réuni des amis pour nous faire sentir « chez nous ». C’est réussi et l’ambiance est franchement chaleureuse. On rigole doucement quand même quand il part dans une diatribe (modérée tout de même) contre le népotisme du PDK : nous sommes entourés de cadres civils et militaires de l’UPK qui sont tous frères, cousins, neveux ! L’attribution des postes à responsabilités aux cercle clanique est de toutes façons une garantie : en plus de 30 ans de résistance à Saddam, Barzani et Talabani n’ont pas été assassinés. Nous sommes abreuvés d’Heineken, gavés de cigarette (je suis non fumeur mais quand un général des peshmergas te tend une clope tu dis merci monsieur). Zebari nous parle longuement de la situation de Mossoul, puis, devant mes questions précises et intéressées, nous propose de nous y emmener le lendemain. Autant je sais que la zone kurde à proprement parler est sans risque, autant Mossoul….C’est d’accord, Zebari nous dit assurer notre sécurité « jusqu’à un certain niveau » (sous entendu si ils bombardent au Napalm je n’y peux rien). Nous sommes reconduits à l’hôtel à 2h du matin (au fait Irak = 2h de décalage avec la France) avec promesse d’être prêts au garde à vous à 7h…dur ! Ahmet, le chauffeur depuis Zakho dort sur le canapé.

1 commentaire:

Sandrine Alexie a dit…

Il paraît que le pont de Zaxo est d'époque sassanide, mais j'ai pas vérifié.