Aidé logistiquement à ses débuts par le PDK, le PKK d'Abdullah Öcalan témoigne pourtant rapidement de son hostilité à un parti jugé, sans surprise, « féodal », « arriéré » « pro impérialiste », au socialisme « non scientifique ». Et toc. Une douzaine de cadres du PDK sont assassiné en 1984 par des militants du PKK, leurs corps étant ensuite livrés aux Irakiens. Lors des premières élections kurdes de 1992, le PKK crée un parti appelé PAK, parti de la liberté au Kurdistan, qui appuie la « liste verte » de l’UPK. L'alliance turque du PDK (l'UPK étant lui traditionnellement appuyé par l'Iran), qui laisse les forces turques pénétrer dans sa zone et les aide à combattre les forces du PKK, explique l'attaque coordonnée avec l'UPK sur la région du Badinan le 26 août 1995, le PKK mobilisant 2000 maquisards, dont une partie recrutés sur place.
Lors de la prise d’Erbil par l’UPK en novembre 1994, le PKK avait pu y ouvrir des dizaines de « bureaux », véritables bastions armés. Sommés par le PDK (sous pression turque) de quitter la ville, les combattants du PKK refusent sur ordre personnel d’Öcalan : si les affrontements qui s’en suivent tournent à l’avantage du PDK, la rupture est consommée.
Non invité aux négociations de Drogheda en Irlande, visant, sous l'auspice de représentant américain Robert Deutch à réconcilier les deux partis ennemis PDK et UPK, Öcalan , s'étant rapproché de l'UPK, lance une offensive générale dans les montagnes au nord d'Erbil. Les combattants du PKK infiltrent le Kurdistan Irakien par la Syrie et l'Iran et harcèlent les forces du PDK, déjà en position de faiblesse face aux troupes plus nombreuses et mieux armées de l'UPK.
La présence du PKK au Kurdistan irakien a été lourde de conséquences pour les populations de la zone frontalière avec la Turquie : les incursions turques répétées et les offensives du PKK contre le PDK ont contraint des dizaines de milliers de civils des régions montagneuses des gouvernorats d’Erbil et Dohuk à se réfugier plus au sud : la ville Zakho, située à 20 kilomètres de la frontière a été le cadre d’affrontements directs entre le PKK et l’armée turque. On estime à 3800 le nombre victimes kurdes irakiennes, en majorité des civils : 360 villages ont de plus été détruits.
Une nouvelle offensive conjointe de l'UPK et du PKK avec soutien iranien a lieu le 13 octobre 1997, et fait passer des régions entières sous leur contrôle. Elle est contrée par une intervention turque ramenant leurs troupes en deçà des positions occupées avant l'offensive. Le statut quo régnant entre PDK et UPK à partir de 1997, couplé à l'arrestation d'Öcalan le 15 février 1999 à Nairobi met le PKK sur la touche: l'UPK tente de se rapprocher de la Turquie et reçoit une aide financière pour lutter contre son ex allié: les troupes du PKK se sont en effet retirées en Irak (si l'on omet le groupe de 1000 guérilleros sommés par Öcalan de se rendre aux Turcs en gage de sa bonne volonté...). Il reste qu’elles offrent une belle résistance et que l’UPK doit se retirer après une cinglante défaite. Le conseil présidentiel du Kongra Gel déplore d’ailleurs en juillet 2000 « l’agressivité » des deux partis kurdes irakiens à son égard. Le PDK quant à lui refuse à partir de 2000 de combattre le PKK, invoquant le cessez le feu proclamé par Öcalan en septembre 1999. C’est ce qui conduit la Turquie a refroidir ses relations le mouvement de Barzani et à commencer à appuyer l’UPK.
Les restes de la présence du PKK au Kurdistan irakien sont dus à la tolérance de l’UPK, qui ne le combat pas sous réserve qu’il ne nuise pas à ses intérêts. Mr Zebari, chef de l’UPK à Mossoul rencontré au Août 2005 avait proclamé l’absence de toute hostilité de l’UPK envers d’autres « frères » kurdes.
Emprisonné à Imralı, Öcalan n’est pas avare en déclarations fracassantes sur la situation du Kurdistan Irakien : Entre deux complaintes sur de mystérieux « écoulements » dans sa tête, il dénonce dans un entretien avec ses avocats le 25 juin 2003, Talabani et Barzani comme des « chefs tribaux », des « nationalistes primitifs », et leur volonté de créer un Kurdistan indépendant comme un « désastre » en puissance, un « second Israël » On voit la qu’Apo est très rancunier, Israël ayant fortement aidé à sa capture au Kenya par les services secrets turcs. L’opposition d’Öcalan au gouvernement régional kurde s’explique essentiellement par le fait qu’il n’apprécie que peu que la première expérience étatique kurde durable se fasse dans l’ignorance totale de Sa pensée et de Ses préceptes, surtout de Son concept lumineux de « Confédéralisme démocratique » que personne n’est encore réellement parvenu à décoder. Si j’ai bien compris, il s’agirait de convaincre Irak (à qui vrai dire on ne demanderait de toutes façons pas l’avis), Iran, Turquie et Syrie de laisser leurs régions kurdes tisser des liens politiques économiques et culturels, laissant émerger une sorte de Kurdistan dans le respect de l’intégrité territoriale des Etats susnommés. Evidemment ça sonne bien, on dirait une Eurorégion : il reste qu’il est nettement plus facile de convaincre la France et la Belgique de laisser Nord Pas de Calais et Wallonie signer des contrats que de faire se réunir Ahmadinedjad, Bachar El Assad et Erdoğan pour parler d’autre chose que de coordination de la répression. Apo tient pourtant dur comme fer à son idée, et s’emporte contre les Kurdes syriens qui ont le mauvais goût de s’insurger au Newroz 2004 à Qamilso : Les Syriens sont de bons gars, Öcalan a « mangé leur pain », et, malgré son lâchage spectaculaire en septembre 1998, leur voue une éternelle gratitude.
Le PKK dispose aujourd’hui d’un camp principal au nord de Suleymanye dans les monts Kandil. Ses troupes semblent transhumer entre Irak et Iran. Son camp irakien est une « vitrine » très prisée des journalistes, qui se voient offrir de véritables visites guidées : un article type décrit généralement le fait qu’il y a beaucoup de femmes, des portraits d’Apo partout, et un terrain de volley où garçons et filles jouent joyeusement. Quelques uns notent tout de même que les combattants sont effroyablement maigres et ont une fâcheuse tendance à répéter les mêmes phrases dans le même ordre, ce qui laisse soupçonner une éducation politique poussée. Quant au chiffre de 5000 combattants, invariablement cité par les Turcs et le PKK lui-même depuis 1999, il est difficilement vérifiable. Depuis la reprise des combats contre l’armée turque (à base de courageuses mines télécommandées et d’enlèvement- relâchements de maires, policiers et conscrits), une grande partie des forces du PKK a de plus réinfiltré la Turquie.