Her Biji çar Newa
C'est en tous cas un des rares (nouveaux) mots de Kurde que j'ai capté lors du concert du groupe çar Newa (Tchar Néoua) samedi soir au "Yeni Melek gösteri merkezi" (centre de spectacle du nouvel ange) à Istanbul.
J'avoue que je ne connaissais rien à ce groupe avant de prendre mon billet: je n'ai pas été déçu. Vu l'affiche, je ne m'attendais pas à un pur concert de "Dengbes" (=barde) kurde, et craignais même le groupe de pur rock un peu dénaturé. Que Nenni, Car Newa prend exactement le créneau d'Alan Stivell (période Olympia 72, pas New age zarbi) en Bretagne: Music Trad + Orchestration rock derrière: honnêtement ca passe très bien.
Car Newa est une machine bien réglée: deux chanteurs, l'un à la voix chaude et profonde à la Sivan Perwer, l'autre au timbre aigre et chevrotant qui lie si bien les Dengbes aux chanteurs de Gwerz... 1 Neyzan, 1 joueur de percu + Davul (mélange entre Dobrom (gaelique) et grosse caisse) , 1 joueur de Baglama (sorte de Saz), 1 violoniste (aux pizzicatos frénétiques) 1 clavier, et derrière 1 guitare éléctrique (pas kurde), 1 batteur (américain?) et 1 bassiste. Honnêtement ca passe excessivement bien, le son est propre et net, et l'équilibre entre rock et tradi parfait. Thomas content en sorte.
J'ai été heureux de reconnaître quelques morceaux, dont un entendu il y a 3 ans au bar "Mavi Café", (éphémère "hot spot" kurde dans une Turquie pas encore decomplexée), notamment grâce à des paroles mémorables : "lalalila, lalalila lalalilalila" (approx). Au moins je pouvais chanter.
L'autre morceau est le sublimissim(issimissimeee) Ahmedo: air traditionnel, balancé au premier plan par le film "Istanbul Hatirasi" de Fatih Akin où il est chanté par Aynur Dogan dans l'obscurité d'un Hammam désaffecté. Ce morceau est peut être devenu ce que "Tri Martolod" ou "Eun Alac'h" sont pour la musique bretonne. En tous cas cas ses premières notes sont saluées par une ovation du public (enfin une ovation un peu plus forte que les 213 qui l'ont précédé!)
Un mot sur le public, parce que concert kurde dit spectacle dans la salle aussi. J'avais bien sur pris un billet pour une place debout (Ayakta = sur pied!) et me trouvais au milieu des hordes de sauvages dégénérés venus de l'est sauvage: Familles, petits couples, groupes de potes. Ils sont fous! Collées aux barrières, des groupies hurlent à l'arrivée du chanteur et se pâment quand il les salue. Un groupe de 4 lascars brandit un maillot de foot de Dogubeyazit, ville d'origine du chanteur. A chaque morceau ca gueule donc "Her Biji!!", ca hulule et ca saute dans tous les coins en faisant des V de victoire (si une seule chose doit rester du PKK quand il aura disparu, c'est bien ce signe à la con qui semble être inscrit dans le patrimoine génétique des Kurdes de Turquie!).
Le public est quand même un peu dissipé et parle sans complexe pendant les morceaux un peu lents (mes préférés, donc). Je n'ose quand meme pas engueuler mes voisins...On frôle le drame à chaque morceau dansant. Le temps que la sauce prenne et des groupes de danse s'organise (bon c'est pas dur, pensez à un fest noz où tout le monde aurait pris de l'extazy). Je me fais aggriper une ou deux fois mais parvient à m'extraire: ce n'est pas que je ne veux pas danser, mais les pas de danses sont tout simplement impossible à choper...j'avais déja essayé pourtant, mais suis génétiquement incapable de bouger en rythme. Alors plier les genoux à contre temps...
Réfugié près des barrières, je me fais allégrement bousculer, et ca tourne vite au pogo! Enorme Ambiance dans la salle, tous les morceaux sont repris en coeur...Evidemment depuis le début je "reste français" (expression turque pour désigner quelqu'un qui ne pige rien!). TOUT se fait en Kurde, du discours d'introduction (long) aux remerciements. Le chanteur fait tout de même un petit speech en turc à l'usage des non kurdophones potentiels (au moins moi!), dans un turc hésitant qui fleure bon son kurde de l'immigration.