mardi, mars 07, 2006

Non, rien de rien...

Il ne regrette rien! Kenan Evren, peintre du dimanche résident sur la côté égéenne, et accessoirement leader de la junte militaire responsable du coup d'Etat du 12 septembre 1980 n'a absolument aucun regret.

















Le bilan de ce putsch est pourtant éloquent, et sa conséquence la plus grave a long terme est l'ambiance nationaliste paranoïaque qui a été imposée à la Turquie depuis. L'impunité des généraux est consacrée par l'article 15 de la constitution, interdisant de fait pour ces paisibles retraités un procès à la Pinochet.

Invité à l'université de Mugla (côte sud) récemment, il a affirmé devant les étudiants n'avoir pas le moindre regret. "Si c'était à refaire, je le referrais". On en doute pas. Ce qui fait tiquer l'opinion publique, c'est peut être la phrase "Juste après le 12 septembre, les évenements négatifs ont commencé à diminuer". Certes c'était la fin des combats de rue entre loups gris et révolutionnaires, mais c'était le début d'arrestations et de procès de masses, la réunion des conditions idéales pour la montée du PKK, et la décision très Wahabbite d'interdire toute évolution de la Turquie par rapport aux principes sacrés de 1924...Une mentalité autiste, négationniste symbolisée par cet article de la constitution de 1982 "la langue MATERNELLE des citoyens turcs est le turc". La où la France déclarait sans complexe que "pour l'intérêt de la langue française le breton doit disparaître", les joyeux gallonés réglaient le problème en rayant d'un trait l'existence d'une langue parlée par plusieurs millions de Kurdes...

Le coup d'Etat était théoriquement "apolitique" visant à empêcher Fascistes et Gauchistes de mettre le pays à feu et à sang (ce qui d'après les témoignages était peu contestable: pour passer un examen dans une aile "nationaliste" d'une université, une étudiante "gauchiste" devait recourir à une escorte): de fait les arrestations ont frappé dans les deux camps, notamment le fondateur du MHP et des milices "loups gris" (bozkurt), Alparslan Türkes, relâché peu après. Mais comme l'a dit si cyniquement ce triste individu (déja arrête après la seconde guerre pour lobbying pro nazi...) "je ne comprends pas! Mes idées sont au pouvoir, et je suis en prison". L'idéologie propulsée au pouvoir était celle de l'extrême droite nationaliste, matinée de revalorisation de l'Islam comme ciment de la communauté nationale...la "synthèse turco-islamiste".

Les conséquences s'en font bien sur encore sentir aujourd'hui, mais le vent semble imperceptiblement tourner: des étudiants n'ont pas hésité à conspuer l'ex-putchsite, et, fait nouveau, des plaintes de plus en plus nombreuses sont déposées contre les militaires, auparavant parfaitement intouchables.

Kenan Evren fait l'objet d'une plainte déposée par l'avocat Noyan Ozkan pour apologie du coup d'Etat.

Le successeur annoncé du modéré Hilmi Özkok, le très va-t-en-guerre général Yasar Büyükanit est sur la sellette depuis l'incident de Semdinli (Kurdistan Turc), à la suite duquel deux sous officier ont été accusé d'avoir commis un attentat contre une librairie tenue par un ex -PKK. Une affaire à la Corse. Büyükanit est accusé par le procurer de Van, Ferhat Sarikaya d'avoir mis sur pied une organisation para-militaire lorsqu'il était en poste au Kurdistan, également d'avoir tenté d'influencer la justice à la suite de l'affaire de Semdinli. L'armée a répliqué en menaçant le procureur de porter plainte pour diffamation, mais le mal est fait, et les journaux couvrent abondamment cette affaire, bien mal venue pour l'homme qui devrait prendre la tête de l'armée cet été et devenir de fait un des dirigeants du pays... L'assemblée réclame en enquête, et la crise oppose comme d'habitude l'AKP, qui se délecte à l'idée d'épingler un militaire, et le CHP, principal parti d'opposition, censément de Gauche mais très sourcilleux sur les questions d'honneur national...

L'enjeu est clair: écarter un peu plus l'armée de la direction des affaires. Si le mandat d'Himli Özkok a permi de nombreuses réformes, l'arrivée aux manettes du "faucon" Büyükanit annoncerait une période de tension extrême entre le gouvernement élu et l'armée, la fin des réformes démocratiques, et une escalade de déclarations fracassantes sur le statut de Kirkuk et le Kurdistan Irakien...

Décidemment, peu de bonnes nouvelles ces temps ci!



1 commentaire:

Tom a dit…

Plus que présenter des excuses il devrait être jugé avec tous les responsables...c'est ce putsch qui a interdit tout dialogue et toute évolution en Turquie pendant plus de 20 ans...