samedi, juin 10, 2006

Les problèmes de l'investissement à l'Est

Il serait dommage que la réponse fleuve d'Ismail à mon précédent post reste enfouie dans l'anonymat des "commentaires"

La voila donc pour alimenter le débat, agrémentée de mes commentaires en italique

Je suis assez d'accord avec toi Tom mais j'ai deux remarques qui risquent de choquer, mais bon :

1/ Pour la comparaison avec les immigrés africains en France et leurs descendants, c'est vrai que comme tu l'avais fait remarquer, ce sont ds population "allogenes", mais dans le meme temps, pour les kurdes de Turquie, le choix de l'assimilation-integration est plus facile a faire (c'est un simple constat pas une recommendation).

Vois le nombre de ministres, d'hommes d'affaires (a l'ouest) et de haut fonctionnaires kurdes, ça n'a rien a voir a la situation en France ou on demande a ces populations de s'integrer culturellement SANS CONTREPARTİE ECONOMIQUE (a part le RMI)

Certes, mais les Kurdes "intégrés" sont des kurdes assimilés, qui ne mettent pas en avant leur identité kurde et se considèrent comme turcs, point. C'est une solution pour "pacifier" le pays, par pour répondre au désir de reconnaissance du peuple kurde... Evidemment en Turquie, un kurde qui accepte d'être turc et uniquement turc peut parfaitement réussir. Un député AKP qui avait inscrit "kurde" sur son CV dans la rubrique LANGUES ETRANGERES a provoqué un mini scandale au parlement. Quand le premier ministre Özal avait avoué que sa grand-mère était kurde, il s'est fait descendre par la presse de manière méprisante (du type "l'origine supposée da la grand mère de M. Özal ne doit pas remettre en question les fondements de la république, blablabla"... Quand Ibrahim Tatlises, demi-dieu national, a déclaré vouloir chanter AUSSI en kurde, sa langue maternelle, il a subit une campagne de presse meurtrière et des menaces des loups gris...et écoeuré s'est exilé en Allemagne pour quelques mois...
Ceux qui réussisent sont des Kurdes "turquifiés", et c'est exactement ce que préconise l'auteur de l'article, et ce que je critique.

Je veux pas continuer la comparaison, les arabes et les noirs sont pas en France depuis 3000ans etc ... c'était juste une remarque

Et tout à fait d'accord pour faire la distinction entre allogènes dans un cas et immigrés dans un autre...

2/ Les chiffres des investissement sont intéressant mais compare les avec une carte physique de la Turquie (qui comme ailleurs correspond souvent a la carte économique).
Les investissement sont réalisés sur (ou pres de) les grands axes de communication du commerce mondial, c'est a dire en comme partout dans le monde, avec un acces facile sur les ports de commerce (en l'occurence ici Istanbul, Mersin et Izmir).

En France aussi les investissement a Brive et a Mende doivent etre sensiblement differents que ceux fait a Nantes ou a Montpellier, mais on peut pas comparer vraiment vu la qualité des instructures et le PIB/PNB du pays. Le département de l'Ardeche a quand meme perdu la moitié de sa population dans la 2eme moitié du XXe siecle !

Imagine toi industriel a Van, le temps et le cout pour acheminer les marchandises depuis tes fournisseurs et reexpédier tes produit finis vers tes clients sont multipliés par 2,3 ou 4 !

Je dis peut être une connerie mais la facade mediterranéene n'est pas loin...Iskenderun, Adana, Ceyhan sont des ports industriels et peuvent servir de plate forme pour les produits kurdes...évidemment la configuration du territoir turc rend le transport routier peut rentable...

Meme avec des aides et des primes du gouvernement ou de l'UE (qui existent), un industriel prefere etre taxé a Adapazarı que non-taxé a Bitlis ! au final il est toujours gagnant.

C'est clair que c'est un vrai débat, et merci pour ce point de vue pragmatique!...après aider les kurdes à reconstruire leur agriculture et les laisser retourner dans les villages évacués constitue un début non? on en est pas là...

C'est comme avec les zones Franches en France. Le gars il vient en zone franche, il paye pas d'impot, mais vu qu'il se fait cambrioler 3-4 fois par an il est gagnant a s'installer ailleurs meme en payant des impots !

Les industriels kurdes EUX-MEMES n'effectuent aucun investissement dans l'Est, ils sont tous peinards a Istanbul et a Bursa ! Ah si, pour investir dans l'immobilier et relouer des apparts au prix du SMIC si la ils sont tres forts !

Très bon point :) Pareil en Bretagne, Pinault, Bolloré, Le Lay, n'en font pas des masses pour leur pays d'origine ;)

La Turquie est une économie de marché, je vois pas comment on va pouvoir résoudre le probleme. En l'absence de secteur privé, la majorité des salariés dans l'Est est employée par l'Etat, tout en compatissant a cette situation, je vois pas ce qu'ils peuvent faire de plus (si ce n'est moins de corruption,de gaspillage et de désorganisation, mais meme ça suffira pas a résoudre l'ensemble du probleme)

La disparité Est-Ouest n'est pas qu'une question d'économie de marché. Quand la Route goudronnée s'arrête à Malatya pour être remplacée par une piste, ca fait bizarre...bon c'était en 2003, mais ca m'avait marqué! Quand tu vois la tronche de la frontière Iraq-Turquie et le changement d'univers d'un Kurdistan à l'autre...d'un côté Mad Max, de l'autre la californie...je ne suis pas économiste donc je ne peux pas avoir un point de vue très élaboré, mais la disparité saute aux yeux. Les régions enclavées de France ne souffrent pas d'un différentiel de 1 à 100 par rapport à Paris!


3 commentaires:

Ismail a dit…

Pour le point no 1, je comprends ton point de vue mais ce que je disais c'était : "pour les kurdes de Turquie, le choix de l'assimilation-integration est plus facile a faire" ... en langage clair, "tu restes kurde et tu en baves ou tu te turquises et ça t'aidera a t'en sortir" alors qu'en France c'est "tu te francises ou tu te francises pas, tu creves quand meme" ...

pour le point no 2 :
"la facade méditéranéenne n'est pas loin":
c'est relatif, Diyarbakir-Mersin ou Iskenderun ça fait 500-600 km mine de rien !
"pour les produits kurdes":
mais lesquels ? Pour produire il faudrait faire venir les matieres premieres de l'Ouest pour les renvoyer a l'Ouest ensuite, tu vois l'embrouille ?
"La disparité Est-Ouest n'est pas qu'une question d'économie de marché" :
Oui bien sur je suis d'accord avec toi sur le fond, je mets juste un bémol
"Quand la Route goudronnée s'arrête à Malatya pour être remplacée par une piste, ca fait bizarre...bon c'était en 2003":
Elle allait ou cette route, c'était pas des travaux ? Tu m'aurais dis en 1963 oui, mais la je vois pas ! Ca fait 14 ans que je fait de la route dans l'Est de la Turquie et ça me parait louche ton affaire (Konya-Ankara aussi quand c'est en travaux c'est de la piste).
"Quand tu vois la tronche de la frontière Iraq-Turquie et le changement d'univers d'un Kurdistan à l'autre" :
La je peux pas témoigner mais souvent les producteurs de petrole sont mieux lotis niveau routes que les autres (la Syrie a des belles autoroutes avec PNB/habitant 50% inférieur a la Turquie) et en Irak du nord ils ont un "petit plan Marshall" non ?

Bon allez t'inquietes, sur le fond je suis d'accord avec toi, c'est juste mon témoignage et des reflexions de natures géo-économiques.

Sandrine Alexie a dit…

Vous avez tous les deux à peu près raison en fait... Mais le discours rassurant que l'on entend le plus souvent en ce moment, de la part des Turcs désireux d'entrer dans l'UE comme de la part de l'UE c'est que le problème kurde c'est un problème "social" de de "développement", etc.

Mais je me demande dans quelle mesure on n'occulte pas la quesiton nationale. Attention je n'affirme pas à coup sûr qu'en Turquie la question kurde est une affaire uniquement politique mais quand même, la question peut être posée, est-ce que toutes les analyses économiques et sociologiques, ne masquent pas finalement un problème plus simple : les Kurdes (même en Turquie) sont une nation et non une minorité et ça, même un sur-développement du sud-est n'y changerait rien.

Tom a dit…

Le plus marrant est que certains sentiments nationaux ne mourront jamais. Les Ecossais et les Irlandais sont anglophones et ont majoritairement oublié leur langue d'origine, va leur dire qu'ils sont anglais...moi même je suis francophone de naissance et ne me sent absolument pas français!

Le fait que la nation kurde soit transfrontalière et que sa composante sud ne prenne pas exactement le chemin de l'assimilation arabe garanti que cette identité ne mourra jamais. Il est trop tard pour l'assimilation-intégration, et c'est ce dont la Turquie doit se rendre compte. Je pense que les théoriciens de la nation turque avaient sous-estimé la dimmension "super teigneux" des Kurdes quand ils ont lancé leur grand programme de "Ne Mutlu Türk Diyene"...

Regardez la Catalogne: plus riche que le reste de l'Espagne, et un sentiment national exacerbé. Pour moi, et je n'ai évidemment aucune neutralité en tant que Breton assimilé de naissance frustré du modèle français, la solution passe par le fédéralisme et la reconnaissance du peuple kurde partie intégrante de la Turquie...pas des "citoyens d'origine kurde", dernier progrès en date! On est pas "d'origine", on EST! C'est pourtant simple...Ca m'énerve toujours quand on me demande en France de quelle "origine" est mon nom...il n'est pas d'origine, il EST breton, le passé ne passe pas!

Comme le dit Pilling, même un développement spectaculaire du Sud-est ne changerait rien au sentiment national. Par contre, et c'est pour moi primordial, il ruinerait l'audience du PKK! Quand on acquiert un certain confort, on est moins tenté par les gourous messianiques...