samedi, juillet 30, 2005

East / West...crossing the bridge


C'était peut être LE concert de l'été, ou de l'année. 3h40 de bonheur dans l'amphithéatre Açik Hava, avec une affiche à baver: les musiciens du film "Istanbul Hatirasi" de Fatih Akin, dont j'ai précedemment parlé.
Evidemment, ma tête d'affiche, ma chouchoute, c'était la petite (immense) Aynur Dogan, chanteuse kurde découverte dans le film. Avec une voix à faire péter les vitraux, une puissance bouleversante, elle s'est fait ovationner par le public. Ma grand crainte était celle du consensus mou et d'une chanson en Turc. Que nenni, l'ambiance n'était pas au politiquement correct, et du Kurmanci s'est envolé plein pot dans le ciel d'Istanbul avec la chanson "ahmedo".


Je ne sais pas si les hurlements du public saluaient la chanson (sublime) ou la performance. Ne voyons pas tout en rose, le 15 juillet à Mardin l'album de cette même chanteuse a été interdit à la vente, bien que caracolant en tête des ventes d'album en Turquie. Il est plus facile de diffuser du Kurde à Istanbul qu'au Kurdistan, même si c'est un début les galonnés et fonctionnaires gardent un pouvoir de nuisance.
Qu'auraient ils pensé ces tétards qui pensent qu'une femme chantant en Kurde peut menacer les frontières de la Turquie (argument 100 fois entendu)??? Ce soir à Açik Hava c'était un défilé des minorités, Gitans, Arméniens, Alevis. Je pense que le fait d'appartenir à une minorité et de l'affirmer haut et fort par la musique est une magnifique façon de dire "Je vous emmerde". Ce concert était comme un énorme bras d'honneur à 80 ans de tentatives d'assimilation violente, la preuve qu'il est impossible de faire disparaître un peuple autrement que par le génocide physique. Tuez la langue, l'âme ressortira par la musique. Dans cette période de détente et d'abandon progressif du mythe "les turcs sont tous pareils, les différences n'existent pas" (mais certains sont moins égaux que d'autres), la musique "minoritaire" auparavant interdite ou margninalisée explose et revitalise la scène turque. Le défunt Kasim Koyuncu (mort le 25 juin à 38 ans) faisait beaucoup pour la musique "karadeniz" (mer noire) et pour la langue laze, Aynur Dogan je pense peut faire beaucoup pour le succès de la musique kurde en Turquie: elle n'a pas le profil "peshmerga" de Sivan Perwer...

Plus délire, les dinosaures de Baba Zula: mix des beatles période sergeant peppers (pour les costumes et les moustaches) , des doors (pour l'orgue psychédélique) et de Türkü.
Le clou final est le grand Mercan Dede, musicien soufi plus doué derrière ses platines ou au Ney (flute turco iranienne) ("le ney turc n'est pas un vrai ney" (musicien iranien) "le ney iranien, c'est pas un ney" (musicien turc).
Bref Mercan Dede lui joue du Ney turc (il n'est pas obligé de se niquer les dents et d'avoir un air bête (pardon manu)) et mixe musique soufie et rythme électro: en album ca rend bien, sur scène il se paie les services de musiciens gitans surdoués, dont un gamin de 15 ans à la clarinette et à la trompette...en guest star le rappeur Ceza (hallucinant!), et une chanteuse Alevie dont le nom m'échappe mais qui a le droit à la plus belle ovation de la soirée pour un chanson sur Ali (leur prophète)(qui en vaut bien un autre!).

En résumé, un beau M.............. à messieurs les assimilateurs et uniformisateurs pour qui la mort d'une langue ou d'une culture est une avancée de la civilisation.

2 commentaires:

Sandrine Alexie a dit…

Et le ney kurde ? :))
instrument chouchou des soufis en tous cas, le ney ou flûte de roseau (traditionnelement maintenant je ne sais pas en quoi il les font) pleure l'exil qui l'a arraché de sa roselière, et ses plaintes sont censées figurer celle de l'âme du soufi exilé sur terre, en attendant le grand retour de l'Union divine...

Anonyme a dit…

Bonjour,

Hazreti Ali n'est pas le prophète des alévis mais le saint chez les alévis. Allah-Muhammed-Ali le trio...