On commence à se lasser des procès à répitition intentés à Baskin Oran, Orhan Pamuk et dernièrement Elif Safak pour "insulte" (à l'armée, Atatürk, la république, Enver Pasa, etc). Leur inutilité est flagrante (les "traîtres" sont toujours immédiatement acquittés à l'ouverture de leur procès) et le gouvernement se désole de la mauvaise image de la Turquie donnée par cette chasse aux sorcières.
Deux responsables: Le ridicule article 301 du code pénal, qui condamne toute atteinte à "l'identité de la Turquie (türktür türk kalacak), l'armée, la justice, le gouvernement et des organisation comme "Büyük Hukukçular Birligi" (grande union des avocats), "ONG" ultranationaliste qui se donne pour mission d'intenter un procès à tout intellectuel, journaliste, écrivain qui ose porter atteinte à l'évangile selon Alparslan Türkes.
Le gouvernement AKP, soutenu en cela par le CHP, se refuse, malgré les appels répétés de l'UE et des progressites turcs, à retirer cet article, sous le prétexte que cet article ne constitue pas une entrave à la liberté d'expression et protège la république. On rappelle que la constitution militaire issue du coup d'état du 12 septembre 1980 affirmait protéger la liberté d'expression "SOUS RESERVE DE" (s'ensuivait une liste interminable de cas particulier rendant dans les faits impossible la moindre critique). La Turquie, citadelle assiégiée, sous les menaces des ennemis de l'intérieur et de l'extérieur, ne peut se permettre de laisser ses citoyens attaquer les fondements de la république.
De manière amusante, la vaillante armée turque autopraclamée invincible n'a jamais servi, si l'on excepte l'invasion de chypre, sur un théatre extérieur depuis la proclamation de la république. A l'image des armées sud-américaines des années 70, elle ne sert qu'à maintenir la démocratie dans un carcan sous prétexte de sécurité nationale.
L'article 301 ne serait pas aussi célèbre s'il n'était brandi à bout de bras par des excités comme cette union des avocats et son président le procureur psychopate Kemal Kerinçsiz, "croisé" autoproclamé, dont voici une citation " notre pays est sous occupation culturelle et économique... l'impérialisme occidental a choisi sa nouvelle princesse (Elif Safak) pour supporter les minorités ethniques les partisans des USA et de l'union européenne"
(sur les drapeaux " l'UE c'est le facisme")
(Kemal Kerinçsiz au second plan)
Ce courageux guignol se voit systématiquement ridiculisé par des juges qui l'écoutent d'une oreille distraite et acquittent illico les agents de l'impérialisme. Baskin Oran avait proprement
ridiculisé Kerinçsiz en démontant point par point son longuissime acte d'accusation, avec un mépris jouissif...
"L'"existence d'une minorité" est un fait sociologique. Il n'est pas du pouvoir de l'Etat de l'accepter ou de le nier. Si dans un pays, il y a un groupe non-dominant qui diffère de la majorité par différents aspects, et qui considère que ces différences sont une partie indissociable de son identité, alors les critères internationaux s'accordent sur le fait qu'il existe une minorité dans ce pays. Et à partir de là, ce qu'affirme l'Etat est sans importance." (trad sandrine alexie)"Ah, ces procureurs que nous voyons aujourd’hui, qui ont tenté de sauver le pays!
Il y a eu un Procureur militaire en 1980, qui disait dans son acte d’accusation :
“Dans l’Est s’il neige, alors il gèle; et quand on marche dessus, cette neige produit les sons khart-khurt. Le nom Kurde est dérivé de cela, donc il n’y a pas de groupe appelé kurde”. Bon, c’était lors du coup d’Etat militaire, alors nous pouvons comprendre. Nous nous disons: “Ce procureur n’a jamais entendu parler de la blague sur Hayri le canard”.
Il y en a un autre, qui dans les années 1970, nous explique dans son acte d’accusation :
“Les mots Turc (Türk) et Kurde (Kürt) sont une valeur commune combinée, composée de l'assemblage des mêmes lettres ". Il nous apprit ainsi que les lettres T, Ü, R et K sont les mêmes, alignées différemment et donc que les Kurdes sont en fait des Turcs.
Et comme si ça ne suffisait pas, le même procureur militaire a pu dire, dans son acte d’accusation, que je vais lire verbatim, tellement c’est dur à croire :
“Le nationalisme turc n’est jamais raciste, en accord avec notre Constitution. Au contraire, au lieu d’une vue raciste abstraite, il accepte un racisme national idéaliste, progressiste, unificateur basé sur l’unité d’une même culture et d’une même destinée.”[3] Mais bon, c’était le coup d’Etat militaire, alors que ça nous plaise ou non, nous disons d’accord, nous comprenons."
Mais en 2006, nous ne comprenons plus du tout. Dieu merci, il n’y a plus de dictature militaire maintenant, mais une Turquie qui s’avance sur le chemin démocratique qui mène à l’UE.La suite est en ligne, et est du même tonneau! Un vrai bonheur... Je ne résiste pas à citer ce morceau de bon sens
"Par exemple, l’article 39/2 de Lausanne se lit comme suit: “Tous les habitants de la Turquie, sans distinction de religion, sont égaux devant la loi.” Maintenant je souhaite pouvoir repérer celui qui interpréterait ça comme un “droit des minorités” puisqu’il ne parle même pas de “majorité”. Il n’est même pas fait mention de “nationaux” mais des droits de “tous ceux qui habitent en Turquie”, étrangers ou nationaux.
Saviez-vous que cet article 39/2 était la proposition de la Délégation du gouvernement d’Ankara à la conférence de Lausanne ?
Avez-vous jamais songé que si l’art. 39/2 avait été appliqué, c’est-à-dire que si l’Etat ne l’avait pas violé constamment jusqu’à nos jours, nous n’aurions pas ce problème stupide concernant les émissions de radio ou télévision en des “langues autres que le turc”?
N’avez-vous jamais pensé que sans de tels problèmes, le nationalisme kurde n’aurait jamais gagné en force ?"Ca tombe sous le sens, mais ca reste d'une élévation de pensée totalement inaccessible à l'establishement turc! Il est CLAIR, que si un enfant est éduqué dans sa langue maternelle, il voudra prendre les armes contre son pays. Le fait qu'après 80 ans de république négationniste les Kurdes soient toujours là et posent toujours problème n'effleure pas les courageu croisés: la seule solution est la répression, le fusil dans le dos de chaque citoyen.
Pour en revenir à Kerinçsiz, il est également responsable des procès contre Hrant Dink le journaliste turc arménien, de l'interdiction de la conférence arménienne prévue à l'université de bogaziçi, d'une tentative d'interdiciton de la conférence sur la question kurde, et du procès de 5 journalistes ayant critique la décision d'interdiction de la conférence arménienne susdite. Il s'est aussi distingué en tentant de faire interdire la venue du Katolikos arménien en juin...
Selon cet article
d'armenews, tiré d'un article de Yeni Safak, Kerinçsiz a des fréquentations édifiantes dans les milieux négationnistes et l'Etat profond. Il a notamment participé en avril à une cérémonie visant à réhabiliter un fonctionnaire ottoman responsable de massacres d'arménien et pendu par le gouvernement provisoire de Mustafa Kemal. La filiation idéologique de ce triste cuistre n'est donc même pas "ultra kémaliste", elle remonte directement au comité union et progrès, aux fondement du nationalisme turc de la fin du XIXeme, aux inspirateurs de la "turquification", des émeutes anti chrétiennes, des massacres de 1895 et de 1915, aboutissant aujourd'hui aux caciques de l'Etat profond, du MHP, en passant par l'idéologue du MHP Atsiz, qui parvenait dans ses écrits à prouver dans ses écrits que les kurdes n'existaient pas mais qu'ils étaient quand même inférieurs, au colonel Türkes arreté après la seconde guerre mondiale pour avoir tenté de pousser la Turquie dans le camp Nazi...
La suppression de l'article 301 permettrait à la Turquie de s'économiser une publicité négative dont elle n'a que trop peu besoin, et de mettre hors d'état de nuire des gens comme Kerinçsiz...