Publié sur le site Turquie Européenne, une petite retouche de mes différents articles sur le fielleux Kemal Kerinçsiz
Le prix Nobel attribué à Orhan Pamuk a permis de faire connaître en France les méfaits de l’article 301 du code pénal turc, qui condamne toute atteinte à "l’identité de la Turquie" (Türktür Türk kalacak (la Turquie est turque et restera Turque, slogan ultranationaliste), l’armée, la justice, le gouvernement. Cet article, dénoncé par tous les intellectuels turcs progressistes et par les observateurs européens, doit sa célébrité à un homme courageux et intègre, Kemal Kerinçsiz, président de la "Büyük Hukukçular Birligi" (grande union des avocats), "ONG" ultranationaliste qui se donne pour mission d’intenter un procès à tout intellectuel, journaliste, écrivain qui ose porter atteinte à l’évangile selon Alparslan Türkes (fondateur du MHP).
Avide de célébrité, il peut être rassuré, il rentrera dans l’histoire aux cotés du ministre de l’information de Saddam Hussein, Mohammed Saeed al Sahaf, celui qui annonçait la défaite pitoyable des armées américaines alors qu’elles entraient dans Bagdad. Tant d’abnégation, de coeur à l’ouvrage, de mépris du ridicule international méritent en effet tout notre respect. Kemal Kerinçsiz est un grand homme, qui se bat pour ses idées, jusqu’au bout. Quelques jours après le prix Nobel de Pamuk il allait attaquer L’ACADEMIE ROYALE SUEDOISE. Il avoue cependant devoir étudier le système légal suédois. Comme il le dit si bien,"notre pays est sous occupation culturelle et économique... l’impérialisme occidental a choisi sa nouvelle princesse (Elif Safak) pour soutenir les minorités ethniques, les partisans des USA, et de l’union européenne"
Il ajoute par ailleurs que les travaux de Pamuk "ne valent rien", et sont dignes d’un « auteur de troisième classe ». Il n’a d’ailleurs pu finir que "Neige" (Kar), et n’a pas réussi à lire plus de 50 pages des autres. On le croit sans peine ! Comment imaginer ce nabot moustachu fielleux et mégalomaniaque se délecter devant les savantes digressions de Pamuk sur les miniatures de l’école de Tabriz dans "Mon nom et rouge", les errances dans l’Istanbul crépusculaire du « Livre Noir », la description méticuleuse de l’« Hüzün » (spleen) stambouliote dans « Souvenirs d’Istanbul ».. Le pauvre homme avait l’impression de "perdre son temps !", et quand on voit la noble tâche qu’il a devant lui, on le comprend sans peine...
D’autres partis ultranationalistes, syndicats de profs ronchons et journaux illuminés crachent leur venin sur le pauvre Pamuk. C’est probablement la première fois qu’un prix Nobel provoque la "honte" d’une partie (ridicule) de son propre pays... Ce prix Nobel pose un problème de taille aux nationalistes turcs : comment concilier paranoïa au dernier degré ("tout le monde hait la Turquie") et reconnaissance internationale de la littérature turque ? Facile ! Si on a accordé le prix Nobel à Pamuk, et s’il a tant de succès à l’étranger, c’est UNIQUEMENT parce qu’il dit du mal de la Turquie.
D’ailleurs, ce vieux Kemal Kerinçsiz l’a bien compris : "le prix donné à Pamuk n’est donné ni à un Turc, ni à la nation Turque". Il ajoute même "le peuple turc ne pardonnera à Pamuk que si il REND LE PRIX et s’il fait des excuses publiques". Pamuk est "parfaitement au courant qu’on ne lui a remis ce prix que parce qu’il a dit que 1000000 d’arméniens et 30000 kurdes avaient été tués dans ce pays"...
Eh oui, si on est démocrate et apprécié à l’étranger, c’est parce que tout le monde en veut à la Turquie... de même, la reconnaissance internationale de Nazim Hikmet, déchu de sa nationalité turque et mort en exil, ou de Yilmaz Güney, mort en exil, n’est qu’une des stratégies perverses de l’anti-Turquie judéo-arménienne internationale...
Ce courageux guignol se voit systématiquement ridiculisé par des juges qui l’écoutent d’une oreille distraite et acquittent illico les agents de l’impérialisme. Baskin Oran avait proprement terrassé le procureur auteur de l’acte d’accusation consécutif à une plainte de Kerinçsiz en démontant point par point son brûlot, avec un mépris jouissif...
"L’"existence d’une minorité" est un fait sociologique. Il n’est pas du pouvoir de l’Etat de l’accepter ou de le nier. Si dans un pays, il y a un groupe non-dominant qui diffère de la majorité par différents aspects, et qui considère que ces différences sont une partie indissociable de son identité, alors les critères internationaux s’accordent sur le fait qu’il existe une minorité dans ce pays. Et à partir de là, ce qu’affirme l’Etat est sans importance." (trad sandrine alexie) "Ah, ces procureurs que nous voyons aujourd’hui, qui ont tenté de sauver le pays ! Il y a eu un Procureur militaire en 1980, qui disait dans son acte d’accusation : “Dans l’Est s’il neige, alors il gèle ; et quand on marche dessus, cette neige produit les sons khart-khurt. Le nom Kurde est dérivé de cela, donc il n’y a pas de groupe appelé kurde”. Bon, c’était lors du coup d’Etat militaire, alors nous pouvons comprendre. Nous nous disons : “Ce procureur n’a jamais entendu parler de la blague sur Hayri le canard”. Il y en a un autre, qui dans les années 1970, nous explique dans son acte d’accusation : “Les mots Turc (Türk) et Kurde (Kürt) sont une valeur commune combinée, composée de l’assemblage des mêmes lettres ". Il nous apprit ainsi que les lettres T, Ü, R et K sont les mêmes, alignées différemment et donc que les Kurdes sont en fait des Turcs. Et comme si ça ne suffisait pas, le même procureur militaire a pu dire, dans son acte d’accusation, que je vais lire verbatim, tellement c’est dur à croire : “Le nationalisme turc n’est jamais raciste, en accord avec notre Constitution. Au contraire, au lieu d’une vue raciste abstraite, il accepte un racisme national idéaliste, progressiste, unificateur basé sur l’unité d’une même culture et d’une même destinée.”Mais bon, c’était le coup d’Etat militaire, alors que ça nous plaise ou non, nous disons d’accord, nous comprenons." Mais en 2006, nous ne comprenons plus du tout. Dieu merci, il n’y a plus de dictature militaire maintenant, mais une Turquie qui s’avance sur le chemin démocratique qui mène à l’UE.
La suite est en ligne, et est du même tonneau ! Un vrai bonheur... Je ne résiste pas à citer ce morceau de bon sens
"Par exemple, l’article 39/2 de Lausanne se lit comme suit : “Tous les habitants de la Turquie, sans distinction de religion, sont égaux devant la loi.” Maintenant je souhaite pouvoir repérer celui qui interpréterait ça comme un “droit des minorités” puisqu’il ne parle même pas de “majorité”. Il n’est même pas fait mention de “nationaux” mais des droits de “tous ceux qui habitent en Turquie”, étrangers ou nationaux. Saviez-vous que cet article 39/2 était la proposition de la Délégation du gouvernement d’Ankara à la conférence de Lausanne ? Avez-vous jamais songé que si l’art. 39/2 avait été appliqué, c’est-à-dire que si l’Etat ne l’avait pas violé constamment jusqu’à nos jours, nous n’aurions pas ce problème stupide concernant les émissions de radio ou télévision en des “langues autres que le turc” ? N’avez-vous jamais pensé que sans de tels problèmes, le nationalisme kurde n’aurait jamais gagné en force ?"
Ca tombe sous le sens, mais ça reste d’une élévation de pensée totalement inaccessible à l’establishment turc ! Il est CLAIR, que si un enfant est éduqué dans sa langue maternelle, il voudra prendre les armes contre son pays. Le fait qu’après 80 ans de république négationniste les Kurdes soient toujours là et posent toujours problème n’effleure pas les courageux croisés : la seule solution est la répression, le fusil dans le dos de chaque citoyen.
Pour en revenir à Kerinçsiz, il est également responsable des procès contre Hrant Dink le journaliste turc arménien, de l’interdiction de la conférence arménienne prévue à l’université de bogaziçi, d’une tentative d’interdiction de la conférence sur la question kurde, et du procès de 5 journalistes ayant critique la décision d’interdiction de la conférence arménienne susdite. Il s’est aussi distingué en tentant de faire interdire la venue du Katolikos arménien en juin... C’est en le voyant en photo que j’ai réalisé que j’avais même touché de mes mains le grand homme, le repoussant (contrairement à ses séides au poil ras, il est tout petit et pas franchement impressionant) alors qu’il tentait de m’éjecter avec d’autres d’une exposition sur les émeutes de septembre 1955 en septembre 2005 !
Selon un article du journal Yeni Safak, Kerinçsiz a des fréquentations édifiantes dans les milieux négationnistes et l’Etat profond. Il a notamment participé en avril 2006 à une cérémonie visant à réhabiliter un fonctionnaire ottoman responsable de massacres d’arménien et pendu par le gouvernement provisoire de Mustafa Kemal. La filiation idéologique de ce triste cuistre n’est donc même pas "ultra kémaliste", elle remonte directement au comité union et progrès, aux fondement du nationalisme turc de la fin du XIXème siècle, aux inspirateurs de la "turquification", des émeutes anti-chrétiennes de septembre 1955, des massacres de 1895 et de 1915, aboutissant aujourd’hui aux caciques de l’Etat profond, du MHP, en passant par l’idéologue du MHP Atsiz, qui parvenait dans ses écrits à prouver dans ses écrits que les kurdes n’existaient pas mais qu’ils étaient quand même inférieurs, au colonel Türkes arrêté après la seconde guerre mondiale pour avoir tenté de pousser la Turquie dans le camp Nazi...
La suppression de l’article 301 permettrait à la Turquie de s’économiser une publicité négative dont elle n’a que trop peu besoin, et de mettre hors d’état de nuire des gens comme Kerinçsiz...
Le gouvernement AKP, soutenu en cela par le CHP (membre de l’internationale socialiste, rappelons le), se refuse, malgré les appels répétés de l’UE et des progressistes turcs, à retirer cet article, sous le prétexte que cet article ne constitue pas une entrave à la liberté d’expression et protège la république. On rappelle que la constitution militaire issue du coup d’état du 12 septembre 1980 affirmait protéger la liberté d’expression "SOUS RESERVE DE" (s’ensuivait une liste interminable de cas particulier rendant dans les faits impossible la moindre critique). La Turquie, citadelle assiégée, sous les menaces des ennemis de l’intérieur et de l’extérieur, ne peut se permettre de laisser ses citoyens attaquer les fondements de la république…